La dette publique française n’est pas seule au monde !

- Ecrit par

 La dette publique française n’est pas seule au monde !

 

Quel dommage : autrement, elle se financerait sans problème ! Mais cette triste réalité n’est pas prise en compte par nos politiques et experts : ils ne cessent de critiquer le gouvernement et proposent leurs façons de gérer, voire « régler », cette dette « française ». On peut comprendre leurs efforts : à long et moyen terme, elle approche 2 100 milliards d’euros. Mais il ne faut pas inquiéter ! Elle est détenue à 51% par de non-résidents qui ont « gagné »… -0,1% en 2020 et -0,05 en janvier 2021 : merci donc à eux. Si tout ceci continue, la baisse des taux fera passer les frais financiers de la France à 36 milliards en 2021, alors que la dette dépassera 120% du PIB ! Le Trésor français pense ainsi trouver preneurs, sans problème, pour les 300 milliards d’euros prévus cette année : 200 de dette nouvelle, 100 pour prolonger l’ancienne. Attention à vouloir changer ce qui « marche » si bien !

 

Car la dette « française » n’est pas seule : tous les pays s’endettent, les États-Unis surtout ! Joe Biden, non content d’avoir lancé un programme de 1 900 milliards de dollars pour soutenir l’activité frappée par le virus, prépare un autre programme, de 3 000 celui-là ! Une part pour réparer les infrastructures américaines : routes, réseaux d’eau et d’électricité, aéroports, une autre pour les innovations : 5G, recherche… Le financement de ces 3 000 milliards reste obscur, avec des hausses d’impôts sur les revenus au-delà de 400 000 dollars, de 37 à 39,5%, et sur les profits des entreprises, de 21% (merci Trump) à 28%, ce qui est quand même moins que les 35% d’Obama ! Même après ces hausses, il faudra trouver au moins 2 000 milliards : des dettes nouvelles donc. Et ceci au moment même où l’Allemagne enregistre en 2020 un déficit budgétaire de 4,8% de son PIB et entend poursuivre, par la dette, cette «décision stratégique pour la reprise économique». Elle offre un «cadre fiable pour les investissements» et évitera d’augmenter les impôts jusqu’à fin 2023. Méconnaissable !

 

Pourtant, la France continue de réfléchir, seule, à traiter sa dette. Jean-Luc Mélenchon envisage toujours d’annuler la part de dette publique française que détient la Banque de France dans ses comptes. Il oublie (on ne peut penser à tout) les parts en mains françaises et étrangères. Elles pourraient vendre, faisant monter les taux en France et ailleurs, puisque la Banque de France n’est pas seule en zone euro ! Il propose aussi de taxer « l’épargne Covid », appellation qui désigne les dépenses des « riches » qu’ils n’ont pu faire, en restaurants ou vacances, du fait du confinement. Mais il oublie sans doute que cet argent, en banque ou Livret A, finance des entreprises et le logement.

 

Le rapport Arthuis sur la dette Covid, commandé par le gouvernement fin 2020, s’oppose à ces idées, notamment à celle d’annuler la dette. Il note : « Une annulation des dettes souveraines détenues par la BCE correspondrait donc, budgétairement, à un jeu à somme nulle » (p. 37). Ceci est vrai… à la seconde où est faite l’opération comptable, mais ne tient pas compte du « reste » de la dette puisque les marchés vont interpréter cela comme le début d’une crise de la zone euro ! Ce n’est donc pas « un jeu à somme nulle » ! Ce rapport ne veut pas, non plus, transformer cette dette en dette perpétuelle, en oubliant qu’elle sera plus chère, pour autant qu’on trouve assez de volontaires. Et ce même rapport ajoute que « le cantonnement de la dette liée au Covid-19 [bloquer la somme correspondant au montant dû] ne changerait pas la donne » (p. 40), autre vérité comptable qui dure un instant, puisque cette dette « cantonnée » sera, alors, seule jugée plus sûre, faisant monter les taux des autres, devenues plus risquées. Oublis !

 

Enfin, la solution Arthuis pour réduire la dette est de « faire en sorte que les dépenses augmentent moins vite que les recettes » (page 42 du rapport), ce qui a le mérite de l’évidence. Bruno Le Maire ajoute que le supplément de croissance devrait susciter des entrées fiscales supérieures qui, sans être fléchées, ce serait trop rigide, seraient affectées au remboursement de la dette. Mais ceci n’a de sens qu’en faisant décélérer les dépenses de fonctionnement et en aidant aux bons choix pour soutenir la croissance privée. Oublis ?

 

La dette « française » s’ajoute à celle de tous et doit se gérer aussi bien que celle des meilleurs. Autrement elle sera plus chère, avec ces idées et rapports « français »… à oublier.