La cliente lit que la Banque de France lance « l’euro-digital »… et appelle son banquier !

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 La cliente lit que la Banque de France lance « l’euro-digital »…  et appelle son banquier !

La Cliente : Ah, que je suis heureuse de vous parler !

Le Banquier : Je suis aussi ravi que vous. Alors, que voulez-vous acheter ?

L C : Rien : je veux une explication. Voilà : j’ai lu que la Banque de France allait lancer un « e-euro », un « euro-digital ». Il serait plus sûr que mes billets et que les euros que j’ai chez vous ! C’est vrai ?

L B : Ce n’est pas faux, mais pas tout à fait vrai non plus : « il faut que tout change pour que rien ne change » ! François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France, devient notre Prince Salina du Guépard, quand il pousse cet euro digital. C’est sa « révolution monétaire mondiale », mieux que Garibaldi !

L C : Arrêtez de vous moquer ! Cet « euro digital », qu’est-ce vraiment ?

L B : C’est un euro inscrit dans un compte électronique lié à la Banque de France, pour la Banque centrale européenne. Il sera à part, en plus des vôtres. Dans deux ou trois ans, nous en aurons tous.

L C : Alors je vous quitte ?

L B : Mais non : ce compte sera logé ici, à côté des vôtres et géré par nous.

L C : Mais qu’est-ce qu’il aura de plus ? Mieux rémunéré ? J’y vire tous mes euros ?

L B : Pas mieux payé, presque gratuit, mais pas « tous vos euros » : jusqu’à 3000. La Banque de France veut une monnaie plus sûre et rapide dans votre portable, pour stabiliser l’économie (dit-elle) et baisser les frais des « petits comptes » mais pas que les autres se vident ! D’où la limite des 3000 euros.

L C : Cet euro sera plus sûr que ceux que j’ai chez vous ?

L B : En théorie oui. Mais un euro-BNP ou un euro-Crédit Agricole c’est aussi sûr qu’un euro-Banque de France !

L C : « Euro-BNP » ou « euro-Banque de France » : c’est quoi cette histoire ?

L B : Elle est nouvelle et compliquée, j’avoue. L’euro-BNP est celui que vous avez sur votre compte à la BNP. Il vaut un euro-Banque de France parce que, bien sûr, la BNP ne va pas sauter, comme toutes les banques françaises. Donc, ici, un euro est partout un euro, où qu’il soit inscrit.

L C : Ouf ! Et à Chypre ?

L B : Là vous avez raison : beaucoup de chypriotes modestes rempliront leur e-compte, ce qui ne va pas aider les banques locales ! Et ici aussi les jeunes et les ménages modestes feront pareil. C’est la révolution des e-comptes gratuits, ultra-rapides et la fin des billets !

L C : Quoi, plus de billets ?

L B : Oui, l’e-euro va les tuer. Il ne s’use pas, ne se salit pas, ne se perd pas, ne se contrefait pas et ne porte pas le COVID ! Inscrits dans un compte à part, dans votre ordinateur ou votre téléphone portable, ces e-euros seront formellement à la banque centrale, mais vous les gérerez ici : nous ferons toutes vos transactions.

L C : Donc je vire 3000 euros sur ce compte et le remplis au fur et à mesure que je dépense. Puis, avec l’épargne qu’il me reste, je place en dépôts à terme, en obligations ou en actions.

L B : Oui, et nous fermerons les agences où vous n’allez plus, et laisserons un seul DAB pour toutes les banques du coin !

L C : Ce sera un bain de sang !

L B : Ce sera moins cher. Et il y aura moins de banques fragiles ou « troubles », dans des pays qui le sont… donc moins de banques, mais plus fortes, dont nous !

L C : Et l’euro ?

L B : C’est l’idée internationale derrière, au moins aussi importante que celle, nationale et européenne, de consolider notre système bancaire. Mais c’est encore plus compliqué.

L C : Allez-y !

L B : En fait, cet « e-euro » aidera l’euro dans la concurrence des grandes monnaies. La scène se passe aujourd’hui en Afrique, où l’euro est présent (transferts des migrants et peut-être corruption). L’e-euro y sera, en Afrique de l’Ouest, face au « Franc-CFA », qui voudrait (peut-être) rompre son lien fixe avec l’euro. Une secousse, dont il pourrait profiter. Est-ce pour prendre de l’avance que le Nigéria voisin a déjà lancé son e-Naira pour (officiellement) bancariser sa population ?

L C : Et la Chine ?

L B : Elle a déjà son e-yuan dans de grandes villes pour lutter contre l’instable Bitcoin dit-elle, y accoutumer les populations, peut-être aussi faire disparaître l’économie grise et ses billets… mieux savoir qui fait quoi, plus escorter ses « Routes de la soie », contre l’euro et surtout le dollar.

L C : Et les États-Unis ?

L B : Ils attendent, mais pas le choix. Les billets de 500 dollars, au Panama ou Genève, vont sortir. Où ?

L C : Nous voilà loin de mes billets et de mon compte : « il faut que tout change…

L B : … pour que rien ne change » !