La bourse croit à cette reprise… parce que les multinationales mondiales vont la dessiner

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Les grandes bourses mondiales vont mieux… parce que les pays émergents ralentissent. Paradoxe ! Sauf s’il veut dire que, pour les marchés financiers, les grandes entreprises mondiales vont non seulement diriger cette reprise, ce qui est déjà très bien, mais plus encore la modeler, ce qui est mieux encore. Voilà pourquoi les Dow, Dax et autres Cac sont en plein boum, au moment où la reprise américaine est quand même modeste, la sortie de crise en zone euro s'avère plus complexe, longue et timide que prévu, et où le Japon gagne le titre de "pays le plus surendetté de la planète". Ce que nous dit aujourd'hui cette vision boursière, c’est que nous ne vivons pas seulement « une reprise mondiale », mais plutôt une réorganisation, équilibrante, des rapports entre pays industrialisés et émergents, et que cette reprise se fera sous l’égide des multinationales.

L’économie mondiale se rééquilibre un peu, mais ceci ne peut suffire à nous conduire vers une voie plus sûre. Les pays industrialisés reprennent leur allant, avec des profits qui remontent, tandis que les pays émergents ralentissent, sous l’effet de l’épuisement d’un modèle de croissance par l’exportation et non écologique. En réalité, la timide reprise que nous avons vécue depuis quelques mois est à la fois un ajustement mécanique, par correction des excès, et l’amorce d’un changement plus profond. Du côté des pays industrialisés en effet, les incitations et les nouvelles règles publiques poussent à une croissance moins déséquilibrante aux Etats-Unis et en Europe. Les nouvelles conditions de financement de l’économie doivent ainsi empêcher le surendettement, avec des banques plus capitalisées et surveillées, des marchés mieux escortés. Bien sûr, mais où trouver la croissance ? Du côté des pays émergents, la Chine veut réorienter sa demande interne… en interdisant pendant cinq ans toute construction d’immeuble administratif et l’Inde souhaite des réformes profondes des marchés des biens et du travail, avec des simplifications administratives : pourquoi pas… Mais le modèle des pays émergents, celui d’une croissance tirée par le commerce extérieur avec des salaires faibles ne se change pas aisément. Réduire les excès de chacun est bien, mais ne conduit pas à une nouvelle organisation stable.

Pour rééquilibrer l’économie mondiale, autrement dit pour orienter en profondeur le modèle des pays émergents vers des logiques plus subtiles de demande, les politiques monétaires, budgétaires ou industrielles ne peuvent suffire. Ce seront les multinationales qui seront les opérateurs des changements structurels. Apple et Microsoft changeront les modes de communication, Google les systèmes d’information et de repérage, HSBC et Barclays (ou autres) raffineront les systèmes de financement, Amundi les systèmes de gestion d’actif, AXA d’assurance, ceci sans compter les grandes entreprises qui optimiseront la logistique et l’organisation industrielle, les gestions de l’eau, des déchets, de l’électricité et de l’énergie, l’exploitation des terres agricoles, ou encore prendront plus en compte les risques humains et de pollution…

Par leur taille, les grandes entreprises mondiales sont les vecteurs de la nouvelle organisation des activités, avec un pilotage fin des structures, des formations, des produits, en fonction d’un suivi toujours plus détaillé des demandes. Si les pays émergents veulent piloter davantage leur croissance par la demande interne, et veulent continuer leur avance en intégrant ce qu’il y a de plus moderne dans l’économie industrialisée, leur choix est clair : parier sur les grandes entreprises mondiales des pays industrialisés. Ils auront alors des marchés nouveaux, mondiaux, équilibrants. La croissance globale repartira, sur de meilleures bases. On comprend que les bourses aiment.