« La Banque Centrale Européenne mange ses banques » Pièce en cinq actes

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 « La Banque Centrale Européenne mange ses banques » Pièce en cinq actes

Intrigue : on y verra comment la Banque Centrale Européenne (BCE) aime tellement les banques dont elle a la charge, qu’elle fait en sorte d’en avoir moins ! Au début, tout le monde est bien d’accord, en zone euro, pour dire qu’il y a trop de banques. Après, cette unanimité vole en éclats dès qu’il s’agit de nommer la banque qui devrait disparaître et, plus encore, de dire celle qu’il faudrait vendre à un pays étranger ! Eh oui, au-delà des généralités, la réduction du nombre de banques soulève des oppositions encore plus politiques, presque nationalistes, que sociales : en comparaison, les oppositions sociales à la réduction du nombre d’employés qui suivrait l’achat sont presque secondaires. C’est ce qui explique la démarche graduelle, cachée, de la BCE, dans son travail de consolidation bancaire. D’où la pièce en cours.

 

Acte 1 : Brouhaha et rires : accord pour avoir des banques moins nombreuses, afin qu’elles soient plus solides ! Évidemment : ceci fait des années que la BCE demande aux banques d’avoir plus de fonds propres pour résister aux chocs. Elles râlent et traînent des pieds, mais s’alignent, moins nombreuses. Ceci fait aussi des années que la BCE baisse les taux d’intérêt pour soutenir l’activité et aider à la reprise, mais ces taux sont aussi la source des marges des banques ! Elles n’aiment pas mais doivent suivre, se moderniser et s’informatiser, réduire leurs réseaux d’agences, donc leurs effectifs. Cependant, malgré tous leurs efforts, leur rentabilité prise en étau ne cesse de souffrir, ce qui fait chuter leur valorisation boursière. Seules quelques-unes résisteront à ce régime, avant de se remplumer – nous n’y sommes pas !

 

Acte 2 : La scène s’assombrit : ces banques moins nombreuses dans un pays vont y concentrer les risques ! Évidemment, c’est le revers de la médaille ! Élémentaire : si le nombre de banques dans un pays de la zone diminue, elles seront moins nombreuses à se répartir les risques des ménages et surtout des entreprises. Mais c’est dangereux dans une zone euro où les PME sont partout très présentes, évidemment plus fragiles et souvent plus opaques que les grandes entreprises, surtout cotées. D’où l’importance et la dureté des tests de résistance (stress tests) que mène cette même BCE ! Elle nous dit ainsi, ce 30 juillet, que les 89 banques qu’elle a analysées, 70% du secteur, ont perdu 265 milliards d’euros de fonds propres dans l’épreuve, mais pourraient néanmoins résister « à un scénario macroéconomique dégradé ». Manquent cependant à l’appel Sabadell en Espagne, 5ème groupe espagnol qui cote 0,6 euros contre 1,9 début 2018 et Banco Popolare de Milano, qui cote 2,8 euros contre 2,6 à la même date, peut-être parce qu’elle a eu le dividende généreux : 4% de rendement ! Deutsche Bank reste à la peine, comme la Société Générale. Même si ces deux se battent pour accroître leurs résultats à grand renfort de restructurations, de cessions et de rachats d’actions, elles sont entourées de rumeurs de mariage. Nous allons donc, pays par pays, vers un petit groupe décisif de banques.

 

Acte 3 : Rires et grimaces : des noces bancaires européennes ? Évidemment : s’il faut moins de banques en zone euro, surtout dans la concurrence mondiale, celles qui résisteront devront être transeuropéennes ! C’est ce que veut la BCE, sans vraiment le dire tant nous sommes dans « le politique » : chacun veut ses champions et ne s’émeut pas s’ils achètent un champion de l’autre ! « C’est l’Europe », diront les acheteurs !

 

Acte 4 : Vive lumière : moins de banques et plus de marchés pour financer la zone euro ? Évidemment : le financement des économies se fait aux États-Unis à 2/3 par les marchés, contre 1/3 par les banques. C’est l’inverse en zone euro ! Donc la BCE qui veut être plus efficace dans les reprises et les freinages, par ses baisses et montées de taux, fait que les marchés l’aident, avec un financement égal au crédit bancaire. Va donc pour de grosses banques transeuropéennes, comme les américaines. Mais nous ne sommes pas aux États-Unis. Nous ne voulons pas de leurs hauts et bas économiques !

 

Acte 5 : Éclairs : OK, mais ces banques restent chères avec leurs agences ! Alors la BCE va offrir aux ménages et aux entreprises sa « Monnaie Digitale Banque Centrale » : le e-euro. Évidemment… ce sera le carnage. Très sûr, gratuit, immédiat, cet e-euro emplira les portables, quand les agences fermeront et les fintech fleuriront. C’est bientôt.

 

Rideau ?