Mais non, c’est trop tard, c’est passé ! Je sais : c’est le 21 décembre 2022 que la nuit fut la plus longue de l’année. Depuis, le soleil a vaincu la nuit : les jours seront plus longs. En fait, c’est Jules César qui a tout changé, avec son calendrier fixant le solstice au 25. Puis, c’est en 354, avec le Pape Libère, qu’il est décidé que le Christ est né le 25 décembre, collant en cela au calendrier julien. Il sera bientôt rejoint par le toujours vert sapin et son étoile au sommet, symbole supplémentaire de lumière. Depuis, le calendrier grégorien de 1582 n’a rien changé : la date du solstice bouge, mais pas celle de Noël ! Ce qui n’empêche pas les fêtes de s’ajouter, liées aux cycles du soleil, aux fêtes religieuses, aux grands événements politiques, sans oublier de fêter les mères, les pères, les grands parents et le black friday.
Viennent alors l’économie et la finance, car il nous faut plus de repères pour savoir ce qui pourrait se passer. Nous vivons ainsi, outre les calendriers européens, avec ceux du G7 et du G20, encadrés par ceux des grandes banques centrales, américaine (la Fed) et européenne (la BCE). Normalement, en liant tous les points de ces réunions, plus ceux des prévisions, plus de tous leurs exposés et conférences, sans compter les enquêtes et les sondages, nous devrions toujours savoir, à chaque instant, ce qui se passe et se passera en matière de croissance et d’inflation ! Mais… non.
En effet, toutes les grandes banques centrales se sont lourdement trompées sur l’inflation, ne la voyant pas venir, puis expliquant que c’était momentané, lié à la TVA allemande, au Covid-19 et à la guerre d’Ukraine, puis annonçant son proche retour, sous deux ans, autour du sacro-saint 2%. Face à cette série d’erreurs qui mettait en pièces leur crédibilité, la Fed et la BCE ont alors changé de méthode de guidage. Au lieu de la « forward guidance », où elles faisaient toutes part de leurs visions à plusieurs mois d’avance sur l’inflation, et donc sur leurs politiques de taux, de façon à parler aux marchés et à les mettre en confiance (sinon dans la poche), elles ne parlent plus que de l’instant présent. Elles se disent « state dependant », autrement dit myopes, ce qui ne les empêche quand même pas de se projeter un peu et de parler beaucoup, semant ainsi de fragiles miettes de pain, non plus des cailloux, pour donner une piste. Le Petit Poucet s’est adapté. Nous savons donc que nous sommes plus exposés à l’incertain que jamais, en allant des remous des politiques internes et internationales aux menaces de guerre nucléaire, en attendant la fournaise écologique, promise à tous. Merci !
Le solstice d’hiver est donc symboliquement important, pour nous donner quelque espoir, avec plus de soleil. Ainsi, en dépit de toutes les nouvelles qui nous annoncent le pire, le moral des ménages et des entrepreneurs résiste. Est-ce l’idée que les banques centrales ne vont plus trop monter leurs taux d’intérêt, que les pouvoirs politiques vont laisser filer les déficits en cas de forte récession, que les entreprises sont réactives, au fond en assez bonne santé et se préparent même à augmenter les salaires ? Est-ce l’idée que la nouvelle vague du Covid-19 sera moins forte, ou que les masques seront mieux acceptés ?
Il demeure que nous ne savons pas ce qui se passe, plus informés que jamais mais moins au fait du réel, plus incertains du futur car plus éperdus, au milieu de toutes ces « nouvelles » qui défilent et disparaissent, avant de les avoir vérifiées. On peut toujours critiquer ceux qui nous dirigent, nos élus, les hiérarques mondiaux, les patrons, « les autres ». On peut toujours avoir peur de la dette publique qui monte et la calculer par ménage, en se disant que nos patrimoines mobiliers et immobiliers nous protègent. Ce qui suppose quand même que maisons et actions trouveront preneurs – sans se soucier de la suite. Mais que feront ces nouveaux propriétaires et que feront surtout les vendeurs de leur argent : où vont-ils aller ? Et ainsi de suite. Le pire, mais lequel ?
Le concours de pessimisme est ouvert, entre d’un côté ceux qui annoncent les effondrements de la bourse, de l’euro, de l’Europe et de notre civilisation, bousculés par des envahisseurs venus de l’Est, d’Asie, du Sud et, d’un autre côté, ceux qui quittent le réel et chaussent leurs lunettes de metavers.
Bref, pour en sortir vivants et sains d’esprit, attendons quelques minutes de vrai soleil de plus : elles viennent. Joyeux solstice !