Jean-Luc Mélenchon va voir Maurice Lévy, le patron de Publicis

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 Jean-Luc Mélenchon va voir Maurice Lévy, le patron de Publicis

 

23 heures, tout en haut des Champs-Elysées, dans le bureau de Maurice Lévy.

Jean-Luc Mélenchon : Merci de me recevoir, Président, à cette heure tardive : vous comprenez que je souhaitais une rencontre discrète. Et vous devez, sans doute, vous demander ce qui m’amène ?

Maurice Lévy : Oui ! « La France Insoumise » chez un capitaliste et fier de l’être : je me le demande en effet. Mais avant : un Scotch, ou un Ricard !

 

J-L M : Le Ricard, c’est à midi… je comprends l’allusion « populaire ». Un Armagnac plutôt. J’en viens à mon sujet.

M L : Je vous écoute.

 

J-L M : Voilà : je veux changer de nom.

M L : Mélenchon ? Mais c’est très connu, grâce à vous !

 

J-L M : Mais non : « La France Insoumise » !

M L : Mais pourquoi ? C’est très connu aussi. Un immense « capital notoriété », comme on dit chez nous.

 

J-L M : Vous me voyez Président de la France Insoumise ?

M L : Mais vous l’êtes !

 

J-L M : Mais non : « Président de la France », de toute la France, après avoir été seulement celui de la France Insoumise. Ce serait ingérable ! Comment me faire obéir, comment demander aux policiers, aux soldats et même à mes camarades d’usines et surtout dans les lycées de suivre les règles, les lois ? Comment soumettre les Français à mes décisions, à tout ce que je décide à l’Elysée, « moi Président » ?

M L : « A mes décisions » : plutôt aux lois votées par le Parlement, aujourd’hui encore ! Mais ce n’est pas le plus important. Je comprends votre souci : le nom de votre société n’est plus celui de votre ambition. Il vous faut changer de marque, mais il fallait y penser avant. Puisque vous vouliez faire partir les riches et les puissants du pouvoir, c’était pour le leur prendre.

 

J-L M : Non : ce n’était pas prévu que ça marche ! Ce nom voulait dire que je m’installais dans l’opposition.

M L : Ah : « je mise sur la France insoumise » ! Mais, quand même, on ne peut pas seulement dire : « non », tout le temps.

 

J-L M : Je l’ai toujours fait ! Alors : pour ne plus dire « non », quel nom ?

M L : Ce serait bien s’il rappelait l’ancien : discontinuité dans la continuité, révolution permanente ! La France « soumise », non bien sûr, « bien mise », c’est pire, « remise », sur pied bien sûr : ce sera quand vous aurez été élu.

 

J-L M : Je ne ris pas !

M L : Transmise, banquise, marquise, mouise – oh pardon, bise, brise…

 

J-L M : J’y ai réfléchi avant, je sais : ce n’est pas facile. « Remise » : ça fait remise, « reprise » : on va me demander par qui.

M L : Attise ?

 

J-L M : Non !

M L : Pactise, non je suppose ?

 

J-L M : Bien sûr, sauf avec les Verts et tous les socialistes qui me rejoindront !

M L : Bêtise, Artémise, Publicise… je cherche.

 

J-L M : « La France entreprise », ce serait pas mal, mais impossible pour moi, bien sûr. « La France en avant » : c’est plat, « debout » : c’est pris par Dupont-Aignan, « se relève » : pas sûr.

M L : Il faut faire attention à ne pas trop promettre. La croissance sera faible, le chômage va monter, pas d’inflation, pas de hausses de salaires, les boîtes vont licencier, se concentrer, réduire les pyramides de cadres moyens, les boutiques de centre-ville vont fermer, entre Covid-19, achats sur le Web et Gilets jaunes du samedi.

 

J-L M : Vous me dites que la France va devenir plus insoumise encore ?

M L : Je le crains : ingérable. Et un moment viendra où les Français et surtout les non-Français en auront assez d’acheter des bons du trésor à -0,2%, si le déficit budgétaire explose.

 

J-L M : Vous voulez me faire peur ? Dire que je ne m’en sortirai pas, si je suis élu ?

M L : Non : je m’insoumise ! Il faut se mettre dans la situation et dans la peau de ce qui va advenir pour trouver le nom qui ira. Alors : « la France insubmersible, irrépressible, inoxydable, invulnérable » ?

 

J-L M : Il faudrait plus positif, comme « La France inventive » en moins business, l’inverse de « la France tranquille » de Mitterrand : dynamique, jeune, sympa, trotskyste gentille, ça me rajeunira !

M L : « La France impressive », ce serait trop et trop anglais, « indebted » trop anglais aussi et trop vrai, imprévisible : on dira que vous copiez Trump.

 

J-L M : Je veux être Président de la France qui était insoumise !

M L : Dangereux : vos opposants diront que vous voulez qu’elle vous soit soumise, eux compris !

 

J-L M : Et alors, si c’est pour le bien de tous ! Les Français ne sont pas insoumis par nature mais par manque de chef : comme la France gaulliste !

M L : « La France qui réalise » ?

 

J-L M : Quoi : « soumise au réel » ? Jamais !