Enfin l’ISF nous reviendrait, en entier cette fois ! Ce serait par l’addition, partout annoncée, de l’Impôt sur le Patrimoine Financier : IPF, à l’actuel IFI : Impôt sur la Fortune Immobilière qui, seul, nous était resté. Désormais recomposé, IPF+ IFI = ISF, il taxera plus, cette fois sous la double bannière de la lutte contre les effets pervers des gros patrimoines fonciers et de la juste lutte contre le réchauffement climatique. Ce remembrement est seulement ce qui a été retenu, par les médias, du Rapport Pisani-Ferry qui vient d’être remis fin mai, suite à la demande de la Première ministre Elisabeth Borne. Le riche qui prend l’avion et boit du vin cher pollue plus, il doit donc être taxé plus.
Cet impôt qui changera sans doute de nom, afin de montrer qu’il obéit à de bien meilleures raisons que l’ancien, met la bourse en émoi. Elle l’avait cru mort. Pourtant, cet ISF nouveau ne suscite pas encore un exode semblable à son prédécesseur, 700 à 800 départs officiels par an pendant seize ans. Ceux qui sont partis ne reviendront pas. Mais ceux qui restent, moins riches, peuvent s’inquiéter. Rapportant 5 milliards d’euros sous sa forme tronquée d’IFI, l’ISF doit au moins doubler pour répondre à sa nouvelle mission, surtout compte tenu du message optimiste qui l’annonce. Terrible paradoxe, en effet ! De fait, le réchauffement climatique est indéniable mais, grâce à l’impôt sans doute, « la neutralité́ climatique est atteignable ». Certes, « au regard (des révolutions industrielles antérieures)… cette transformation sera globale, plus rapide », mais heureusement « elle sera pilotée d’abord par les politiques publiques et non par les innovations technologiques et les marchés ». L’État armé de son nouvel ISF sera là.
Ce ne sera pas facile : pour se faire accepter, l’ISF a dû changer de nom, de mode de calcul, entre mutation, disparition, résurrection et amputation car il devait prélever plus, contre vents et marées. Il naît IGF, Impôt sur les Grandes Fortunes, titre vengeur des années 1982-1986, sous la paternité de François Mitterrand. Il nous quitte en 1986 avec Jacques Chirac pour créer 400 000 emplois : c’était la promesse d’alors. Certains de ses critiques calculaient qu’il faisait perdre plus d’impôt, notamment en TVA, qu’il n’en rapportait. Puis le revoilà avec une nouvelle majorité, humanisé en ISF, Impôt de Solidarité sur la Fortune, de 1988 à 2018. Avec Michel Rocard, il gagnera son qualificatif moral en finançant le Revenu Minimum d’Insertion. Puis il ne cessera de changer ses modes de calcul. Surtout, il se divise avec Macron I, conseillé par… Jean Pisani-Ferry, lorsqu’il décide de ne taxer que l’immobilier, avec l’IFI : Impôt sur la Fortune Immobilière.
L’ISF ancien est resté ainsi, tronqué, avec comme raison que l’immobilier, au-delà d’un certain montant, ne participe plus à la croissance. Il devient la dépense somptuaire de quelques-uns, la source de rentes excessives et de discriminations spatiales. Le logement ne loge plus. Il se fait inégalitaire et inflationniste, donc indéfendable et taxable.
Cet impôt nouveau ne se veut pas de gauche, mais au service de tous : ce sera pire. Il ne s’agit pas de détruire le capitalisme par la révolution prolétarienne, mais de le sauver de la révolution climatique par la taxation. Demain, ce sera donc différent. Avec la chaleur qui étreint la France, il faut agir, et vite. Plus vite que les autres. Certes, les entreprises font partout des efforts pour réduire leur empreinte carbone, les critères ESG (Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance) font florès. Certes l’immense majorité des Français est convaincue des efforts à faire. Certes on a vu que les consommations d’électricité et de gaz ont vite et beaucoup baissé, surprenant les experts, celle d’eau va suivre. Certes les nouvelles technologies et l’IA promettent des merveilles. Certes les jeunes sont motivés comme jamais. Mais ce ne sera pas assez.
Certes la France est moins pollueuse que les États-Unis et l’Allemagne, mais elle veut seule taxer plus, au risque d’une récession dont elle sera la seule victime, au bénéfice de tous. Les autres attendront, Chine ou Inde, ou regarderont, au G7. Les Gilets Jaunes ne voulaient pas payer quand ils n’avaient pas le choix de prendre leur auto, pour aller au travail. Il fallait les aider, pas les taxer. La leçon reste incomprise, mais passe au niveau mondial. Alors ISF : Impôt pour Susciter la Froidure ou Inutile Souffrance Française ?