Harpagon : notre argent s’en va !

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 Harpagon : notre argent s’en va !

Harpagon : Au voleur, à l’assassin, au meurtrier, on m’a dérobé mon argent !

Nous : Quels cris !  Que se passe-t-il donc chez vous ?

Harpagon : Avant, sur dix ans, je plaçais chez Pompidou à 2% après inflation, chez VGE à 4%, chez Mitterrand à 6% (avec des rendements à 18% en 1981, moins 14% d’inflation, soyons justes), chez Chirac à 3%. Arrive Hollande : je perds presque 1% l’an. Puis ce jeune Macron me coûte 0,7% par an. L’inflation est à 0,9% et les taux négatifs à -0,2%, pour un Bon du trésor à dix ans ! Je paye Macron pour le financer, et se représenter !

Nous : Mais non, cher Harpagon, ne vous échauffez point la bile. Nous sommes en 2019, plus en 1668. C’est à nous, que ceci arrive. De votre temps, personne ne prêtait ainsi, mais de 5 à 8% en bonnes pièces d’or, et à 25% si vous étiez usurier.

Harpagon : Ah, merci, le souffle me revient. Et vous ne mourrez pas, sous un tel traitement ?

 

Nous : Il fut graduel, tout comme Mithridate qui prenait en son temps, chaque jour, un peu de poison pour se fortifier et résister aux empoisonneurs qui l’entouraient !

 

Harpagon : La comparaison est belle ! Mais qui songe donc à vous tuer, si vous continuez d’épargner sous de telles conditions ?

 

Nous : Épargner ou ne pas épargner, là est la question ! Nous prêtons aujourd’hui à perte, mais au moins nous pensons que nous aurons quelque chose dans dix ans ! Je sais bien qu’avant les Rois oubliaient leur dette, par la décapitation des banquiers. Puis vinrent les Présidents. Plus amènes, démocratie oblige, ils réduisaient leur dette par l’inflation. Mais maintenant, ils demandent (et dans tous les pays) à leurs banques centrales de racheter leurs dettes. Et c’est ainsi que baissent partout les taux d’intérêt, jusqu’à devenir négatifs, sans que nous y puissions rien !

 

Harpagon : Quoi, vous vous laissez donc faire !

 

Nous : Mais que faire d’autre que prêter à Macron, d’autant que les « pourpoints jaunes » bloquent chaque fin de semaine les rues commerçantes, pour demander des subsides ? On nous explique alors, à Francfort et Bercy, nos Versailles actuels, que ceci permettra aux entreprises et aux ménages de s’endetter moins cher, pour investir et se loger. L’argent doit passer de la poche de l’épargnant à celles de ceux qui prennent des risques en entreprenant, ou qui s’abritent en se logeant.

 

Harpagon : Mais c’est du vol ! Un siècle est donc venu où l’état fait acheter par sa banque, disons la Banque de France, l’argent que je le lui prête, et en me faisant payer ! Et j’imagine qu’avec cet argent qui ne lui coûte rien, au contraire, au lieu de mieux gérer son ménage, il n’aura aucune raison de serrer la dépense. Il mènera grand train !

 

Nous : Que cela est vrai ! En sus, notre bon argent permet aux entreprises mourantes de s’endetter pour survivre un temps, avant une banqueroute plus importante, qui ne manquera pas d’advenir. Et, de leur côté, les bonnes entreprises s’endettent plus, pour régler leurs dividendes (!), acheter leurs concurrents (!) et acquérir à grand prix ces jeunes fous innovants qui pourraient menacer leur commerce, ces startups !

 

Harpagon : Mais au moins, les sans-abri seront-ils logés ?

 

Nous : A peine : ce sera plus cher, plus loin, et ils seront propriétaires dans vingt-cinq ans, s’il n’y a pas eu divorce bien avant !

 

Harpagon : Aucune autre issue ?

 

Nous : Oui-da. Par exemple, le Grand turc actuel emprunte à 15%. Mais c’est autant que son inflation. Et sa monnaie inquiète plus encore que lui. Il y a 10 ans, 1,5 livre turque suffisait pour acheter un dollar, maintenant il en faut six !

 

Harpagon : Mettre alors son argent dans une cassette, au fond du jardin ?

 

Nous : Mais nous le faisons de plus en plus ! En pistoles ou en banque, nos dépôts augmentent de 5% sur un an, même si l’inflation nous en vole 1. Et la chose empire : le fond du jardin est devenu moins sûr et la banque veut facturer nos dépôts !

 

Harpagon : Quoi, piocher dans votre casette !

 

Nous : Oui ! Au prétexte que garder notre argent qui perd, lui en coûte ! Tout cela pour faire revenir l’inflation ! Mais plus on enterre notre épargne, plus elle se terre ! Et vous, Harpagon, que pensez-vous du Grand Risque qui vient ?

 

Harpagon : Grand Risque de quoi ?

 

Nous : De la pauvreté d’une longue vieillesse, dans la solitude de la « retraite par points », si rien n’est fait contre ce déficit budgétaire qui creuse cette maudite cassette, qu’il faut payer pour emplir !

 

Harpagon : Mais que diable allez-vous faire, sans cette cassette ?

 

Nous : Épargner plus !