Les nouveaux responsables grecs inventent des jeux à destination de leurs compagnons de zone euro, qui sont aussi leurs créanciers, pour les convaincre de les aider. Il s’agit en général d’adaptations des jeux olympiques de leurs ancêtres.
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Le Marathon : c’est une course d’endurance qui se pratique désormais en avion entre le Parthénon, toujours, et Bruxelles, avec des arrêts à Francfort, Paris, Berlin, Washington, Moscou et Pékin. A chaque étape, le coureur grec explique son but et repart assez vite vers d’autres lieux, en fonction d’une logique qu’il est seul à connaître (et à comprendre). Il cherche chaque fois des encouragements et, si possible, des liquidités (pas pour se désaltérer).
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Le dekaennéathlon : c’est un jeu (tout nouveau) qui se joue en dix-neuf spécialités, chacune correspondant au jeu favori d’un membre de la zone euro. C’est le jeu du sérieux avec l’Allemagne, où il s’agit de faire ce qu’on a promis. C’est celui de la lutte romaine pour l’Italie, de la tauromachie pour l’Espagne ou de la logomachie pour la France… Chaque membre joue avec tous les autres, ce qui implique d’abord de les connaître. La Grèce commence.
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Le lancer de marteau. Il se pratique désormais conjointement avec le lancer de faucille pour bien montrer que l’extrême gauche grecque a abandonné les sources marxistes qui lui avaient permis d’être élue il y a quelques semaines.
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La corde raide : ce jeu se passe sur une corde tendue. Il suppose d’avancer, sans tomber, du Parthénon jusqu’à Bruxelles. Pour réussir, il faut beaucoup de résistance et d’équilibre, autrement dit de calme intérieur. Chez les anciens Grecs, c’était l’ataraxie, l’absence de troubles, qui faisait gagner. Aujourd’hui, les Grecs nouveaux cherchent plutôt à troubler les autres, notamment les Allemands. Un Ministre des finances à moto, maintenant sur le banc de touche, y a excellé. Mais ce n’est pas le plus sûr moyen de gagner, sachant en outre que les Allemands sont les principaux propriétaires du stade et des équipements.
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La poule mouillée : ce jeu se joue au bord d’un précipice entre deux attelages (quadriges et surtout pas troïkas) partis au galop. Gagne celui qui freine le plus tard. Ce jeu suppose que les deux attelages, les deux économies, sont les mêmes et qu’il s’agit de comparer les courages des deux conducteurs. Pour ne vexer personne, sachant que les économies ne sont pas réellement toutes les mêmes (!), les Grecs proposent une variante intellectuelle : entre la Grèce et « les autres », il s’agit de prouver que « les autres » ont plus à perdre qu’à gagner en ne l’aidant pas, donc qu’ils doivent freiner avant. Pas sûr que ça marche. Sûr que ce n’est pas un jeu coopératif !
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Le javelot : c’est un jeu où il s’agit de lancer le plus loin possible les objectifs d’équilibres commercial et budgétaire. Chez les Grecs anciens, il s’agissait de toucher la cible. Tel n’est plus le cas. Aujourd’hui, d’après ce que nous voyons, il ne s’agit plus d’être précis, mais d’éloigner au maximum le problème.
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Le lancer de poids : se dit d’une technique qui consiste à jeter le plus loin possible le poids (de la dette grecque). Pour cela il faut surtout de la ruse pour obtenir que le poids du boulet grec soit nettement réduit, avec l’accord de tous les autres.
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La nage à sec : la nage se fait en général dans une piscine remplie. Elle est bien plus difficile quand les liquidités se réduisent. Il faut alors, pour avancer, continuer à agiter les mains et les pieds (crier aussi et signer des décrets pour drainer les avoirs des mairies grecques) afin que les liquidités restantes vous viennent. C’est très pénible et d’assez courte durée.
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La lutte : les Grecs y étaient et y sont très bons. C’est d’abord la palestre, où il s’agit de jeter au sol l’adversaire sans être entrainé soi-même. Ce jeu se nomme désormais Grexit, où la crainte est que la sortie de la Grèce de la zone du jeu euro ne fragilise tous les autres (voir le jeu 5, de la poule mouillée, dans sa version intellectuelle). Suit le pugilat, où il s’agit d’assommer l’adversaire en le frappant (plutôt) à la tête. Ce jeu se pratique de nuit entre Ministres des finances de la zone euro. Vient enfin le pancrace où tout est permis, sauf bien sûr de crever les yeux, afin que chacun continue de voir où il va.
Dans toutes ces épreuves, nos nouveaux Grecs sont enduits d’huile (d’olive). Ils ne sont donc pas faciles à cerner, moins encore à attraper ! De ce point de vue, rien n’a changé.
Voir sur ce sujet Grèce : les vrais dangers de l’économie grise, le Zoom du 30 avril.