Grèce et autres : quand l’économie va moins mal, les populismes vont bien mieux

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Paradoxe peut-être, paradoxe dangereux. Syriza (surtout) et Aube dorée en Grèce, Podemos et Démocratie nationale en Espagne, Front de gauche et PVV en Hollande, FN et Parti de Gauche en France, Die Linke et Afd en Allemagne font davantage parler d’eux. Quand le gouffre est proche, les populismes rongent leur frein. Mais quand la situation s’améliore, tout étant relatif bien sûr, ils se réveillent. En Grèce, après des baisses du PIB de 7,1 % en 2011, 7 % en 2012 et 3,9 % en 2013, le PIB renoue avec la croissance au deuxième trimestre 2014. En Espagne, après -1,6 % en 2012 et -1,2 % en 2013, la croissance revient début 2014. En Hollande, après -1,6 % en 2012 et - 0,7 % en 2013, 2014 est positif.

 Grèce et autres : quand l’économie va moins mal, les populismes vont bien mieux

Quand la situation est très critique, les extrêmes crient d’autant plus fort qu’ils savent que le peuple ne leur demandera rien. Mais quand la situation s’améliore, beaucoup veulent souffler et certains changer. « Extrêmes » est d’ailleurs un abus de langage car les « partis extrêmes » ont une idée : ne pas payer la dette publique. La variante d’extrême gauche est d’arrêter « l’austérité » et de « faire payer les riches ». C’est le cocktail d’une (forte) réduction de la dette, d’une baisse (supplémentaire) des taux et d’un allongement (significatif) de la durée de remboursement. C’est, souvent, menacer de sortir de la zone euro pour retrouver une monnaie nationale, dévaluée. La variante d’extrême-droite est de sortir de la zone euro pour recouvrer la liberté de la nation, donc dévaluer la monnaie… Pareil.

Si la Grèce fait défaut, « ne pas payer les riches » c’est surtout ne pas payer les autres états européens (pour 220 milliards, dont 55 pour la France) et le FMI pour 35 (qui s’en souviendra). Mais rien n’est dit sur l’inflation importée et la crise d’un Etat qui ne pourra se refinancer, payer ses hôpitaux, sa police et son armée pendant des mois. Rien n’est dit sur le risque d’hyperinflation et les désordres sociaux qui vont avec. Rien n’est dit sur le risque d’un état mafia. En fait, l’hypothèse économique des extrêmes (droite et gauche) est que le capitalisme, étant mû par l’appât du gain, va se dire que, la dette étant effacée, les conditions de reprise se reconstituent. Et l’hypothèse politique est que la BCE, les banques centrales nationales, et derrière les trésors publics qui devront payer, ne voudront pas prendre le risque d’éclatement de la zone.

Cette « mémoire courte » prêtée à la finance oublie l’économie réelle. Elle suppose qu’un pays repart simplement en faisant défaut. Mais, pour croître dans notre monde ouvert, il faut être compétitif en termes de prix mais aussi de qualité et d’innovation. Tout le monde cherche les nouveaux appareils de communication, d’échange, de culture, de soin, de surveillance… Or les secteurs en reprise après dévaluation sont ceux à salaires faibles pour des produits de qualité moyenne, plus le tourisme, plus l’émigration pour s’ajuster, plus (on n’en parle jamais) les ventes à la casse des entreprises « reprenables ». Croire que la dévaluation résout les problèmes économiques dans notre monde, c’est oublier qu’il est autant concurrentiel que technologique.

Cette « mémoire courte » oublie surtout le politique et la montée des tensions que nous vivons. Or les peuples le savent. C’est pourquoi ils restent dans l’euro, même si les efforts à faire sont importants. Les populistes le savent aussi, qui exercent un chantage à la sortie de la zone monétaire dont ils ne veulent pas eux-mêmes. Qu’importe : comme les autres pays vont « moins mal », les populistes proposent des accommodements pour leur éviter le pire ! Quelle grandeur ! L’Allemagne dit alors que les peuples sont libres pour ne pas trop lâcher, car elle est toujours le premier contributeur. La Banque centrale européenne ajoute qu’elle ne prête pas aux pays qui ne tiennent pas leurs engagements (allusion transparente). Sa crédibilité et son capital sont en jeu, non seulement par rapport à la Grèce mais par rapport aux politiques économiques qui commencent à porter leurs fruits et qu’elle vient de soutenir par sa décision d’achats de bons du trésor.

En novembre 2012, la zone euro s’est engagée à soutenir la Grèce en remodulant sa dette, la Grèce améliorant encore sa gouvernance – et sans fiscalité nouvelle. Le pire serait que les efforts des membres de la zone euro bénéficient aujourd’hui aux populistes. L’exemple serait terrible.