France : trois pactes, sinon rien !

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Le président a un art bien particulier du compromis : il paye d’avance, ou plutôt il le dit. Pas simple déjà. Et plus le temps passe, avec son expertise, plus son jeu se complique. Il dit alors qu’il dit qu’il paye d’avance ici pour avancer ailleurs, en disant qu’il payera d’avance, là aussi. Et, à la fin, en 2017, le déficit aura diminué, la croissance aura repris et la courbe du chômage sera vraiment redressée. Saluons la prouesse. Elle mérite qu’on la regarde au ralenti, un peu comme on fait pour les prestidigitateurs

Le Président Hollande est en effet en train d’inventer un nouveau type de compromis social : j’avance la mise au joueur A, donc il joue, et le joueur B s’y met, pour récupérer une partie de la mise (qui a été avancée à A). Vient un moment où le partage de l’avance est jugé satisfaisant, c’est l’accord. Avec le temps, le Président Hollande passe alors à un jeu plus compliqué, où plusieurs tables jouent ensemble : table 1, table 2, table 3 et où il s’agit que la table 2 permette de financer une part de la mise de la table 1, en attendant la table 3. Pas facile à suivre ! Et donc, comme pour les magiciens, on va présenter les choses en ralenti.

 

1 – D’abord le jeu simple : je dis que je paye d’avance.

Cas 1 : « 24 heures par semaine ». Pour bien montrer que les syndicats ont tout intérêt à signer l’accord sur l’ANI (Accord National Interentreprise) sur la flexi-sécurité, il est précisé que les emplois à temps partiel devront être de 24 heures minimum par semaine. Sus à la précarité ! Les syndicats sont d’accord avec cet échange : garantie de l’emploi contre une flexibilité, mais limitée, des horaires. Et ce n’est pas un problème pour les grandes entreprises et les PME, qui ont les reins solides et des emplois à temps plein. Mais quid de l’interim et des services à la personne qui peinent à « remplir » des postes, faute de demande ? Mais la mesure est acceptée par tous, la loi est votée. Puis l’application des 24 heures va être repoussée, car on ne peut pas tuer les petites entreprises d’interim et de service à la personne. On verra donc plus tard, victoire en attendant.

Cas 2 : « le compte de pénibilité ». Pour obtenir la signature de l’accord sur les retraites avec un allongement de la durée du travail, accord qui va augmenter le déficit pendant une bonne dizaine d’années avant que le fameux équilibre ne soit atteint, le Président propose le « compte de pénibilité ». Il s’agit de réduire ainsi, pour ce motif de pénibilité, le report de l’âge de la retraite. Mais qui peut savoir combien coûtera ce « compte » et de combien l’équilibre attendu sera repoussé… Mais c’est signé, la loi est votée. On verra donc plus tard, victoire en attendant..

 

2 – Puis, avec le « pacte social », le jeu se complique.

Pacte 1 dans l’entreprise privée : « moins de charges aujourd’hui pour plus d’emploi demain ». L’entreprise,  il faudra qu’elle s’engage à embaucher (quand, combien, comment ?), mais elle aura bénéficié auparavant de réductions de charges (quand, combien, comment ?). Mais ces « baisses de charges », destinées sans le dire à augmenter les marges privées, sont évidemment des réductions de ressources publiques, autrement dit elles augmentent le déficit public. Discutons donc sur les « créations d’emplois », nous verrons plus tard sur le déficit public. C’est le travail de l’autre pacte (de l’autre table) !

Pacte 2 de simplification dans la vie publique : « moins de charges publiques pour se simplifier la vie et pour croître ». Moins de feuilles dans le mille-feuilles, moins de régions, moins de villes… Mais que va-t-on faire du personnel ? Et pour la santé, il s’agit bien de moderniser en réduisant les coûts ? Quid du personnel ? Et pour l’éducation ? On nous dit qu’on va partout faire mieux avec moins… Mais moins de quoi ? Et surtout : « moins de qui » ? Il y aura en effet moins de fonctionnaires et donc moins de dépenses publiques à court terme, donc moins de demande et plus de déficit et de dette publique, toujours dans un premier temps. Comment faire accepter ceci ? Passons donc à l’autre pacte (à l’autre table) !

Pacte 3 de répartition des avantages avec les ménages : « moins d’impôts sur les ménages pour mieux répartir les avantages accordés, compenser les inégalités » et soutenir aussi la reprise. Il ne s’agit pas de dire, en effet, que les patrons vont gagner plus (pour investir et employer plus bien sûr) et que les fonctionnaires vont devoir faire des efforts (comme tout le monde en temps de crise) : il faut que tout le monde y gagne, pour que tout le monde signe. Plus d’emploi dans le privé, une vie plus simple avec l’administration et enfin moins d’impôts : tout le monde devrait être content ! La croissance revient alors et le pacte 3 (la table 3) compense les difficultés de mise en oeuvre du pacte 2 (table 2).

Comment tout ceci boucle ? Mystère. Attention, quand même, à ne pas trop en rajouter. François Hollande a très bien joué le tournant social-démocrate. Tout le monde attend maintenant ce qui va se passer entre les partenaires privés autour de ces fameux emplois. Viendra ensuite un autre moment de vérité avec les syndicats dans le public, quand il s’agira de simplifier en vrai. Mais ajouter qu’on va réduire les impôts des ménages dans deux ans, sans trop savoir ce qui va se passer sur les deux premiers pactes… c’est quand même beaucoup.

Social-démocrate d’accord, il faut du talent et surtout du courage. Magicien, c’est autre chose