France : révoltes fiscale, sociale, patronale, retraitale ou fonctionnariale ?

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Devant toutes ces révoltes, la France a l'embarras du choix : • révolte fiscale, c’est le fameux "ras le bol" dont parlait Pierre Moscovici, une expression qui sous-estime la réalité ; • révolte sociale, c’est devant des revenus réels en baisse après impôt - sauf sans doute pour les revenus les plus modestes. Révolte patronale devant les impôts qui montent, avec les contraintes et les vérifications qui s’empilent, les normes et les règles qui s’entassent, les risques de tous ordres qui affluent – et les concurrents qui réussissent, en souriant...

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  • révolte retraitable, autrement dit celle des retraités. Elle est évitée autant que possible dans le privé, en faisant payer les cadres, mais qui les défendra, tout le monde par un peu plus de fiscalité, mais qui ira manifester, un peu moins d’indexation, mais qui le verra, et en parlant du futur, mais qui sera là ? La réforme des retraites est toujours annoncée en fanfare et toujours traitée en catimini. Le pouvoir dit qu’une réforme n’a pas besoin de remplir les rues, c’est aussi vrai d’une absence de réforme ;
  • révolte fonctionnariale ? Vous n’y pensez pas ! Les coûts fixes de l’Etat ne cessent de monter. Le statut du fonctionnaire n’a pas grande raison d’être dans les fonctions non régaliennes, mais… Le dualisme privé-public ne cesse de se creuser et les fonctionnaires de se protéger et de menacer, sachant qu’ils ont voté pour le pouvoir en place. Tout le monde rêve de voir les syndicats patronaux et salariés adopter une vision globale, courageuse et dynamique, mais c’est un rêve. Les rapports sur le futur pleuvent. Ceux sur la fonction publique apparaissent : la France est une maison de rapports. Agir, c’est autre chose.

C’est donc le moment de la révolte : celui où le pouvoir central est faible, incapable d’embrasser une stratégie d’ensemble, celui où les pouvoirs internes le savent, sachant que l’extérieur, les marchés financiers et la concurrence rabotent en permanence notre espace de liberté. La révolte, c’est ce moment où chacun s’exprime dans l’absence d’une vision d’ensemble. C’est ce moment où les efforts et les sacrifices à faire ne sont justifiés par rien de vraiment fort, autrement dit de crédible.

Les bonnets rouges ont eu raison de l’écotaxe française. Les portiques qui ne sont pas détruits seront montés plus tard, c’est promis. En attendant, la société qui avait été créée pour collecter l’impôt devra bien être financée. La perte de ressources pour la fonction publique est donc non seulement l’argent qui ne « rentre » pas, mais encore celui qu’il faut « sortir » pour tenir la société montée pour assurer la collecte qui n’aura pas lieu ! L’Etat fiscal se ridiculise.

Quelque temps avant, la hausse sur les produits financiers avait dû, là encore, être abandonnée sous la pression des épargnants devant cette « opération de simplification » qui était en fait une hausse rétroactive. A priori, les PEA devraient être désormais protégés et les contrats d’assurance de montant « modeste et moyen » aussi. Mais pour combien de temps et pour quels montants ? Quand tout bouge à ce point, la crédibilité du pouvoir fiscal s’érode – et bien sûr ses ressources, Voilà donc encore d’autres milliards qui manquent, au moment où l’argent qui devait rentrer ne nous vient plus. Il n’y a pas l’impôt attendu sur les sociétés, pas l’impôt sur les personnes, pas la TVA. Pourquoi ? Soit l’activité se rétracte – mais il y a quand même de la croissance, soit elle utilise tous les trous qui restent du dispositif – mais il y en a de moins en moins, soit elle se blackise – c’est le plus vraisemblable. L’Etat fiscal perd sa base.

Pendant ce temps, les coûts fixes publics ne baissent pas, au contraire. Le gouvernement annonce une diminution, nous verrons bien car il sous-estime de plus en plus les entrées. On nous annonçait deux milliards de baisse de dépenses publiques, il en faudra le double compte-tenu des dernières mésaventures fiscales, en attendant peut-être dix, si l’impôt ne rentre pas. Quand ces chiffres vont enfin être connus et endossés par le pouvoir ? Pas par « Bruxelles » ou encore par « les marchés » : quand allons-nous, nous-mêmes, réagir ?

Camus disait dans l’homme révolté : Le mot fameux : « non sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution », met l’accent sur cette différence essentielle. Il signifie exactement « c’est la certitude d’un nouveau gouvernement ». Mais que se passe-t-il aujourd’hui devant tant de révoltes éparses ? Pour changer de gouvernement, il faut une stratégie, une volonté majoritaire de changer, l’idée d’un meilleur collectif.

Rien de tel aujourd’hui, deux forces s’équilibrent en France : celle qui ne veut rien changer, celle des « avantages acquis », et celle qui sait que, sans changement, on meurt tous.

Ces deux forces s’équilibrent ou plutôt elles se neutralisent. Et nous perdons tous pied.