L’économie française ne va pas plus mal, mais elle ne va pas mieux. Voici deux trimestres que le PIB baisse, fin 2012 et début 2013. C’est le « minimum syndical » pour parler de récession. Voici, plus précisément, deux pertes d’activité de 0,2 % de PIB, au quatrième trimestre 2012 et autant au premier trimestre 2013, suivies d’une reprise de 0,2 % au deuxième trimestre, puis d’un très léger mieux. Au total une croissance quasi plate cette année, après 0 % en 2012 : la France s’abonnerait-elle à la stagnation
Les conditions d’une vraie reprise ne sont pas réunies, car la récession a été trop faible pour changer les comportements. Les PME françaises ont raboté leurs investissements et freiné leurs embauches : leurs profits ne sont toujours pas là. Les grandes sociétés internationales d’origine française ont développé leurs investissements extérieurs, cherchant croissance et profits hors de l’hexagone. Les profits internes ne sont donc pas remontés et la croissance anticipée reste plate. De leur côté, les ménages ont ajusté leurs comportements d’achats et bénéficient d’une désinflation plus forte que prévu. Cette désinflation est la surprise du moment. Elle vient, de l’intérieur, du chômage élevé, de salaires « tenus », notamment au-dessus du SMIC et d’une forte pression sur les prix et, de l’extérieur, d’un euro fort et de matières premières en baisse, le ralentissement chinois y étant pour beaucoup. Le moral des ménages s’améliore un peu, mais il ne peut oublier les problèmes d’emploi, de déficit et de dette publics, d’impôts futurs (en hausse) et de retraites non financées. Ni les entreprises ni les ménages n’ont pris, dans leurs actes, la mesure de la dureté du temps.
L’économie française, touchée en dernier dans la zone euro, n’a pas connu les difficultés de ses voisins. Elle a fait moins d’efforts qu’eux et est mal préparée à cette reprise par l’extérieur, autrement dit par la baisse des prix. La crise de la zone euro a été très violente, financièrement, économiquement et socialement dans les « pays du sud », Grèce, Portugal, Espagne, Italie – plus Irlande. Elle a conduit à des fermetures d’entreprises, à une très forte montée du chômage, et surtout à d’importantes baisses de salaires et à des diminutions significatives dans la dépense publique. Les pays du sud affectés par la crise se trouvent ainsi en excédent primaire (avant paiement des intérêts de la dette publique, ou proches) et en excédent extérieur (ou proches), autrement dit dans une phase d’assainissement. Cette phase sera longue, mais elle voit au moins diminuer rapidement le risque pays, avec l’appui des autres membres de la zone euro et surtout de la Banque centrale européenne. On verra des concentrations se manifester dans ces pays, avec des achats transfrontaliers. Rien de tel en France : la compétitivité coût ne s’améliore pas et l’investissement d’innovation est en recul.Les mois à venir ouvrent deux évolutions en France : soit à une lente amélioration portée par nos voisins, soit à une crise spécifique, les marchés prenant peur d’un pays qui ne se réforme ni assez, ni assez vite – si aucun message fort n’est envoyé.
Le scénario d’une amélioration graduelle française est avancé par les pouvoirs publics – le contraire serait étonnant ! L’idée est de réduire peu à peu les déséquilibres en menant des efforts d’ajustement qui n’affectent pas trop la demande interne et seront politiquement acceptables (par l’électorat socialiste). Coté entreprise, pour reconstruire la profitabilité après le CICE (Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi), il s’agira de poursuivre dans la voie du Crédit d’Impôt Recherche, de la modération salariale et du débat social, avec une politique de réduction, dans le temps, du déficit des retraites. Côté dépense publique, il s’agira de baisser la dépense nominale de l’Etat et des collectivités publiques. Autant que possible, la politique consistant à désindexer ou sous-indexer des revenus ferait gagner quelques points de compétitivité en deux ou trois ans, assez pour aider à repartir – toujours selon les autorités.
Le scénario de crise est celui où la France, n’ayant pas fait d’efforts, se trouve sanctionnée par les marchés financiers. Ils préfèrent les pays de la zone euro qui en ont fait davantage. La France se finance de plus en plus cher par rapport à l’Allemagne et se rapproche des pays du sud. Le financement de l’économie devient donc plus compliqué, à l’intérieur avec des Français qui refusent de cotiser par l’impôt et par l’achat de titres publics, à l’extérieur avec des investisseurs qui joueront les pays du sud qui ont fait des efforts de baisse de salaire et de dépense publique.
La stratégie française de bénéficier des ajustements des autres sans en faire soi-même est très risquée. La remontée des taux longs, partout, ne laisse pas le temps qu’on imagine. Les chiffres de profitabilité ne sont pas satisfaisants et nous n’exploitons pas assez la désinflation actuelle. Bien sûr il vaudrait mieux avoir plus de temps pour faire au mieux les réformes, mais pour cela, rien de tel que de les commencer !
L’économie n’« accorde » que les délais qu’on gagne.