Les Européens épargnent beaucoup, mais mettent-ils leurs euros où il le faut, et assez, face à un futur menaçant ? Pas sûr. Du 6 au 9 juin 2024, les électeurs européens choisiront les 720 députés qui les représenteront jusqu’en juin 2029. Ils seront 81 pour la France en 37 listes. Feront-ils, ensemble, les choix que la situation exige ? Pas sûr non plus.
De fait, investir à long terme est plus risqué qu’avant : on peut rater l’essentiel. Un essentiel qui est complexe, cher et surtout désagréable. Les temps actuels sont ceux d’affrontements violents à l’Est et qui vont s’étendre. Il nous faut donc une vraie « industrie de guerre », mais ce n’est pas tout. Suivent les risques climatiques, entre sécheresses et inondations, à réduire par des réacteurs nucléaires, des retenues d’eau, des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Viennent les réformes agricoles et, plus chères encore et sujettes à manifestations, celles d’usines, à fermer ou revoir, plus les bureaux et appartements à redessiner, dans des villes à restructurer. Arrive l’IA, l’Intelligence Artificielle, pour avoir plus de croissance, avec sa série de formations et d’emplois, pour en créer plus que ceux qui vont disparaître. Tout s’ajoute, pour soutenir une Europe moins dépendante : « Puissance » en un mot.
Le Président Macron nous a prévenus le 26 avril dans son discours à la Sorbonne : « Notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix à l’horizon de la prochaine décennie ». Nous avons trouvé son discours trop… long et pessimiste ! C’était pourtant le texte de Paul Valéry en 1919 : « Nous autres, civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles… Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers… mais ces naufrages, après tout, n’étaient pas notre affaire. » « Notre affaire » ? Vrai pour Élam, Ninive ou Babylone, pas pour 14-18. Ce fut celle de cette génération. D’autres guerres ont suivi, plus locales, de par le monde. Toujours aucune responsabilité ?
Et personne, non plus, n’a vu venir le carnage de la Deuxième guerre, plus mondiale encore que « la Première ». Aujourd’hui, notre « optimisme » continue. En 1954, le Parlement français, avec les votes gaullistes et communistes, refusait la Communauté Européenne de Défense. L’Europe enterrait la proposition (américaine) de créer une armée européenne sous commandement américain, pour cette raison. Mais quoi à la place ? Des années de Traités et d’engagements, plus l’engagement américain dans l’Otan devaient suffire. Et c’était plus économique.
Soixante-dix ans de paix nous ont fait penser que les guerres étaient allées ailleurs. A l’ombre des États-Unis, nous avons renforcé nos normes pour protéger notre Grand Marché. Comme si des octrois pouvaient remplacer des murailles, des douaniers égaler des soldats et des missiles. Mais le commerce n’est pas « doux » : il ne l’est qu’après la victoire. L’Europe, pour se protéger, s’est entourée de normes et de règles : 2% d’inflation, 3% de déficit budgétaire par rapport au PIB, avec une dette publique inférieure à 60% de ce même PIB. 2%, 3% et 60% : la formule ferait naître la richesse. Oui, mais elle a attiré des envies. Il nous faut revoir la potion : plus d’inflation et surtout plus de dette pour faire, enfin, ce qui s’impose.
L’attaque de l’Ukraine nous a réveillés, assez ? Il ne s’agit plus de ratios à respecter dans une Europe d’après-guerre qui passe son temps à s’observer, mais de territoires à reconquérir pour les Russes, contre une liberté à renforcer pour les Ukrainiens. Nous découvrons que cette liberté, mais seulement avec la puissance liée au rapport de forces géopolitiques à créer, permettra de réduire ensuite les inégalités et la pollution. Les voilà, nos « nouveaux objectifs », dans leur « nouvelle formule » !
Reconnaissons-le : rien ne sera possible sans plus de croissance. Plus de croissance, c’est plus de profit avec des taux d’intérêt et d’impôt plus faibles. Et aussi plus de subventions et de fusions d’entreprises, pour qu’elles soient vraiment mondiales, avec des financements européens. Comme par hasard, deux rapports sortent : Enrico Letta veut une Union d’épargne et d’investissement et Mario Draghi plus de productivité.
Permettre aux États de s’endetter pour financer un Fonds Souverain Européen actionnaire de multinationales européennes, soutenir la recherche et nous protéger. Quoi d’autre, si nous voulons être plus souverains ?