États-Unis : pourquoi tant de si vieux candidats ?

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 États-Unis : pourquoi tant de si vieux candidats ?

Nous n’avons rien contre « les vieux » : nous savons ce qu’il en est. Mais les débats et les tensions qui agitent les États-Unis peuvent inquiéter, quand il s’agit de diriger la première puissance mondiale par ces temps de tempête, en tout cas de complexité croissante ! La vie politique est exigeante, au moins physiquement. Un mot, entendu d’une politicienne française, le dit bien : « un an en politique, c’est quatre ans de vie normale ! ». La vie présidentielle l’est plus. Et que dire de celle du Président ou de la Présidente des Etats-Unis, toujours sur la brèche, en représentation, en déplacement, puis toujours devant décider, dans le bref temps qui lui reste, sur des sujets majeurs pour la première économie du monde, donc pour nous ? Qui succédera à Donald Trump, ce Président hors du contrôle des instances traditionnelles d’équilibre, obsédé par sa réélection ?

Donald Trump sera là, bien sûr. A 73 ans et 110 kg pour 1,9 m, il bénéficie d’une rare conjonction de facteurs favorables. Elu sur la pente d’une longue reprise, après la crise de 2007-2008 qui avait fait craindre un 1929 en pire, il prolonge la médecine de sortie, qui aurait dû s’arrêter. Avec des salariés inquiets qui ne revendiquent pas, si désireux de trouver ou garder leur emploi, avec des bourses au plus bas, qui ne pouvaient que remonter avec plus de profits grâce à ces salaires calmés, il décide en plus (génie ou habitude) de terroriser son camp. Quoi ? Oui, c’est d’abord le patron de la Banque centrale américaine qu’il effraie, pour qu’il cesse de monter ses taux courts, puis les baisse, puis rachète des bons du trésor, pour faire baisser aussi les taux longs. Ce sont ensuite les Républicains du Congrès qu’il terrifie, pour qu’ils oublient leur manie de vouloir contrôler le déficit public américain et s’embarquent avec lui sur une pente de déficits croissants (1 000 milliards de dollars), en pleine expansion. On voit le résultat : la plus longue reprise de l’économie américaine, avec plus de personnes en emploi, un chômage au plus bas et des salaires qui stagnent. Ajoutez des impôts et des taux d’intérêts en baisse : la bourse exulte.

Mais ce Président bénéficie aussi d’une peau épaisse. Il navigue dans un océan de rumeurs et de fake news, en butte aux médias officiels qui le critiquent constamment. En sus, son cœur semble à toute épreuve : il a provoqué et souvent déstabilisé les leaders du monde, plus ses alliés que ses opposants d’ailleurs. Pour diriger la première économie de la planète, dans cette prolongation à tout prix de la croissance jusqu’au 3 novembre 2020, date du vote, face à la Chine, à la Russie ou à l’Iran, en repliant ses troupes de Syrie ou d’Afghanistan (qu’ils se débrouillent), il lui faut sans doute aussi une rare estime de soi. L’âge ou les milliards ?

Contre lui chez les Démocrates vient Bernie Sanders, troisième dans les sondages avec 17%. Victime d’une attaque cardiaque, il arrête un temps sa campagne, pour se faire poser quelques stents. En effet, à 78 ans, il n’a jamais ménagé son indignation : ses vaisseaux ont dû travailler. Vite, il revient dans la course pour essayer de dépasser Elisabeth Warren, mieux placée que lui dans les sondages (20%) et âgée seulement de 70 ans. Devant eux deux se tient Joe Biden, l’ancien Vice-Président et ses 77 ans bientôt, avec 26%.  Bien plus bas dans la pyramide des âges et les sondages, on trouve Pete Buttigieg : 37 ans et 8% (en nette hausse dans les sondages locaux), Kamala Harris : 54 ans et 4%, puis Andre Yang : 44 ans et 3%. Vingt-sept ans d’écart entre la première équipe et ces jeunots, 75 ans contre 48 en moyenne, qui recueille aussi trois fois plus de suffrages (17,7% contre 5%). Place aux vieux !

Mais, comme Warren et Sanders inquiètent bien plus par leurs programmes que par leur âge (taxer les riches, notamment pour supprimer les frais de santé des pauvres) et que Biden est moins vaillant qu’il y a vingt ans, Wall Street rêve de Michael Bloomberg. Il vient de s’enregistrer comme démocrate et enrage les Démocrates de gauche qui le trouvent non pas vieux, à 77 ans, mais d’autant plus modéré qu’il a 53 milliards de dollars, soit 15 Trump. Vite, un autre, moins vieux, moins riche et surtout moins « socialiste » : Deval Patrick, 63 ans, noir et ami de Barack Obama ! Alors, pourquoi ces si vieux candidats ? Parce que, pour Wall Street et les socialistes américains, les « valeurs » attendent le nombre des années, sans être les mêmes !