Un(e) épargnant(e) français(e) appelle sa banque.
E, l’épargnant(e) : Allo, je viens de lire les derniers chiffres des rendements obligataires. Une horreur !
B, la banque : Oui, je sais, mais seulement si vous ne voulez pas prendre de risque ! Rien de plus sûr, en effet, que ces bons du trésor allemand à 10 ans ! Mais ils rapportent 0,1% l’an, avec une inflation en France de 1,2%. Je sais : c’est assez horrible.
E : Merci de l’appréciation ! Vous n’avez rien de pire ?
B : Malheureusement si : -0,02 % pour le bon à 10 ans japonais et, si vous insistez, -0,3% pour le même bon à 10 ans, mais suisse !
E : Et vous parlez avant frais, je suppose ?
B : Bien sûr, il faut bien que je nourrisse ma famille ! Pardon ! Mais ces chiffres me font autant de mal qu’à vous : nos marges s’effondrent, et avec elles nos bonus, hausses de salaires et bien sûr promotions !
E : Et la France ? Elle doit nécessairement « payer plus » avec tout ce dont elle a besoin chaque année, 110 milliards je crois, plus le renouvellement de sa dette. Disons qu’il « nous » faut 200 milliards à moyen et long terme par an. Et ces gilets jaunes !
B : Oui, c’est plus cher ici, donc un peu mieux pour vous : 0,52% pour le bon à 10 ans, compte tenu du risque économique et politique du pays ! Mais vous perdriez sur des placements plus courts. Il faut compter -0,5% pour un billet à 6 mois, -0,3% pour du 3 ans, -0,09% pour du 5 ans !
E : Quoi, tous les bons du trésor sont perdants ?
B : Oui, les bonnes signatures le sont hors inflation, et presque toutes après !
E : Pas les bons de Donald Trump, quand même !
B : Non, ils rapportent 2,6% à dix ans avant frais, mais avec 1,6% d’inflation aux US. Et, bien sûr, vous prenez le risque de change.
E : Je veux plus de rendement !
B : Pas de problème, le client a toujours raison et, bien sûr, vous me signerez une décharge de responsabilité.
E : Ou de chevrotine ! Je plaisante !
B : Bien sûr. J’ai du 1,7% norvégien (avec risque de change), du 1,9% canadien (idem), du 2,1% australien (idem), du 2,8% italien (avec les « 5 étoiles »), du 2,9% polonais (avec les problèmes politiques du pays), du 3,2% chinois (avec Xi), du 7,6% indien (avec Modi) et du 7,8% indonésien (avec Widodo, je crois). Et n’oubliez pas les frais et l’inflation. Au-delà, c’est trop risqué !
E : Mais alors, ce n’est plus la peine d’épargner ! Et pourtant, les Français le font !
B : Ils ont si peur ! Mais vous avez raison, mieux vaut consommer, dépenser, voyager, ou bien aller au Maroc ou au Portugal, avec les retraités, ou au Luxembourg, si on aime la pluie. Mais j’allais oublier les actions et l’or !
E : Les actions ? Le Cac 40 est à 5200, il était à 5500 début 2018 !
B : Je sais, mais il était à 4700 en début de cette année ! Vous allez me dire qu’il était à 6922 en septembre 2000 — c’était le plus haut de la bulle. Rien à voir avec maintenant : le multiple du résultat, ce que nous nommons le PER (Price earning ratio) est de 18 !
E : Pas de jargon !
B : Pardon : en 18 ans de dividendes, si rien ne change, vous récupérez la mise !
E : Au fond, il faut que je sois patient(e) !
B : Pas tant que ça. Si les profits des entreprises continuent de monter, avec des salaires étonnamment calmes, un pétrole qui se stabilise et surtout des banques qui prêtent plus que jamais en France (+5,7% sur un an aux entreprises), à un taux plus bas que jamais (1,46% !), les profits vont continuer à faire monter la bourse, et les sociétés non cotées !
E : Et garder l’argent dans un coffre ?
B : C’est risqué, les grosses coupures sont mal vues et, même en payant en billets de 50 euros, vous ne pouvez pas acheter pour plus de 1 000 euros chez un marchand.
E : L’or ?
B : Je n’ai rien contre : Napoléons, lingotins, lingots, barre ? Dites-moi. Bien sûr, les prix ne sont pas les mêmes en fonction du poids, mais sur longue période, l’or résiste. Les banques centrales, dont la Chine et la Russie, par hasard, en achètent. Elles ne veulent plus de bons du trésor américain. Certes on ne fait pas ses courses avec, mais avec la fin de l’ISF, plus la peine de le déclarer ! Et vous n’êtes pas le(la) seul(e) à qui j’en parle.
E : Une question personnelle. Vous me déconseillez dépôts à terme et bons du trésor, parlez billets de 50€, or et surtout actions, et vous financez les entreprises à des conditions caritatives : qu’allez-vous donc devenir ?
B : Je sais, l’euthanasie de l’épargne commence par les banquiers. Je vais traverser la rue !
E : Chez moi, il y aura toujours de la soupe !