La crise a encore frappé, cette fois à l'intérieur des villes et des communes, en attendant les européennes. La France économique, sociale et politique se distend, au risque de se briser, en 3.
La première France est celle « d’en haut », du CAC 40 et des multinationales. Aujourd’hui elle n’est pas encore trop sensible aux résultats électoraux. Sauf si elle se dit qu’il faut penser à aller voir ailleurs, avec dirigeants et siège social. Sauf si elle prend peur, après les élections européennes. Cette France du CAC 40 vient du « grand » capitalisme français, de ses capitaines et de son capital, mais elle tire aujourd’hui deux tiers de ses résultats d’Europe hors France et plus encore du vaste monde. Décisive pour l’image et l’entraînement du pays, elle peut larguer les amarres si les actionnaires mondiaux, majoritaires, demandent à oublier une origine qui, selon eux, coûte plus qu’elle n’apporte.
La deuxième France est celle « du milieu ». C’est celle des PME innovantes et des ingénieurs. C’est celle de la relève de la France du CAC 40, une relève qui a du retard et pas assez de muscle. Une relève qui a besoin d’un capital humain qu’il faut payer bien, autrement dit ne pas trop taxer, et d’un capital financier prêt à prendre plus de risques en contrepartie d’un rendement, après impôt, espéré plus fort. C’est cette France qui porte les espoirs de notre croissance, avec pôles de compétitivité, centres de recherche et écoles d’ingénieurs. C’est celle de la compétitivité hors coût.
La troisième France est la France « d’en bas ». C’est celle de la compétitivité coût, celle des bas salaires avec des compétences moyennes ou faibles, où la concurrence tire les prix vers le bas, avec le chômage et les fermetures qui vont avec.
Au fur et à mesure que la globalisation avance, chaque France a ses problèmes. La France du CAC 40 se trouve en butte aux Etats-Unis du Dow Jones, à l’Allemagne du Dax ou à la Chine du Hang Seng, plus les autres ! Quand la France du milieu entend relever le défi de l’ouverture et de l’innovation, il faut qu’elle garde et attire dirigeants, cadres et ressources financières. C’est l’idée du Cice pour réduire les coûts de production. C’est l’idée de réduire les impôts pour les sociétés ou les investisseurs ou encore le souci de simplifier la vie des entreprises. En même temps, par rapport à la concurrence hors coût que subit la France d’en bas, il va falloir comprimer encore les charges sur les bas salaires, abaisser les coûts administratifs qui pèsent sur les PME et revoir les seuils sociaux, notamment à 20 et 50 salariés, qui freinent l’embauche.
Aider chaque France accroît mécaniquement les tensions internes. Aider la France du CAC 40 et la France du milieu, c’est diminuer les rentrées fiscales, donc devoir faire des économies de dépenses publiques. Aider la France d’en bas, c’est aussi réduire les rentrées fiscales et sociales, donc prévoir de nouvelles économies de dépenses publiques et demander aux partenaires sociaux un vrai changement des rapports internes aux entreprises. Derrière ces France, on aura reconnu les patrons et cadres dirigeants de multinationales qui s’expatrient ou y songent, les innovateurs et les « pigeons » qui demandent simplifications et baisses de charges, les salariés des entreprises exposées à la concurrence des pays à moindres salaires et les chômeurs, les syndicats de salariés qui s’énervent, sans oublier les fonctionnaires (et leurs syndicats) qui se préparent au combat.
Réunir ces trois France, réformer sans casser, c’est la stratégie de l’Europe. Pas sûr qu’elle soit comprise, tant on présente « Bruxelles » comme une étrangère, souvent hostile. Pourquoi donc 3 France ? Parce qu’aucune ne comprend l’autre. Mais pourquoi donc ? Parce qu’aucune ne parle à l’autre.