Entre grippe italienne et fièvre trumpienne

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La zone euro faiblit. Le 24 octobre, les indices PMI Markit annoncent que la production du secteur manufacturier revient à son niveau d’il y a 46 mois et la confiance des patrons des services à celui d’il y a 24 mois ! Pourquoi ?

 Entre grippe italienne et fièvre trumpienne

D’abord la grippe italienne s’étend, touche les actions et les obligations. L’histoire commence le vendredi 12 octobre, quand Moody’s abaisse la note italienne à Baa3. C’est le niveau le plus bas dans la catégorie investment grade, « correcte », avant d’entrer dans celle, speculative, des junks bonds, les « obligations pourries ».

Ensuite la fièvre trumpienne marque l’Allemagne, faisant baisser ses exportations. Toujours selon Markit, le volume d’exportation des fabricants allemands se replie pour le 2ème mois consécutif. Depuis que Donald Trump critique les Mercedes qui roulent devant chez lui, taxe et menace les importations allemandes, les ventes se replient, les guerres commerciales redoublent.

La grippe italienne se mesure par les taux de la dette publique. Ils montent à 3,47% pour les bons à 10 ans, contre 3,11 début septembre. 0,36 point de pourcentage de plus, plutôt 12% de plus ! Pendant ce temps, la bourse de Milan passe de 20 260 points début septembre à 18 680 : 7,8% perdus. Les cours des grandes banques trinquent : Unicredit perd 13%, Intesa 16% en deux mois (et respectivement 60 et 40% sur un an !). Pire : la dette publique italienne est à 3,47%, contre 0,37% pour l’allemande : 310 points de base d’écart ! Et encore, nous ne sommes plus au 3,71 du 19 octobre : merci Draghi pour avoir dit que vous étiez confiant !

La fièvre trumpienne touche la France, et surtout l’Allemagne. Le taux du bon du Trésor à dix ans France atteint 0,74%, contre 0,69 il y a deux mois, le taux allemand 0,37% contre 0,34 : +7% pour la France et +9% pour l’Allemagne ! La bourse allemande déteste : le DAX perd 8,7%, contre 8% pour le CAC 40, pire que la bourse italienne !

Comment comprendre ces deux maladies ?

Pour l’Italie, la coalition au pouvoir annonce un déficit public à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% promis par le précédent gouvernement, pour atteindre 1,5% de croissance en 2019 (!), mieux que 1,2% en 2018, puis 1,6% en 2020 et 1,4% en 2021 ! Alors le déficit reviendra à 2,1% du PIB en 2020 et 1,8% en 2021. Promeso. Moody’s fait ses calculs, avec un zeste d’optimisme : « le ratio de dette publique de l’Italie va probablement se stabiliser autour de l’actuel taux de 130% du PIB dans les années à venir, plutôt que de commencer à diminuer ». Mais l’agence ajoute : « les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui pourront permettre de résoudre les problèmes de croissance décevante ». La Commission européenne n’y croit pas non plus, demande des  « clarifications » sur le budget 2019 et juge sa dérive « sans précédent dans l’histoire du Pacte de stabilité et de croissance ».

La grippe italienne va empirer, si le gouvernement italien refuse de revoir sa copie. Or, pour lui, ses prévisions de croissance sont solides, avec sa double logique de baisse d’impôts (pour la Lega, au nord) et de revenu universel (pour 5 Stelle, au sud). C’est la « voie italienne » : tant pis pour Bruxelles et le spread !

Pour l’Allemagne, elle est en sandwich entre ses exportations en berne et son risque de « garante de la zone », si les marchés se disent que l’Italie sort du sentier où sa dette était « soutenable » pour aller vers le défaut, la sortie de l’euro – et pire.

Et nous ? Et si les marchés nous comparaient à l’Italie ? La dette publique italienne égale 1,3 PIB pour une croissance à 1,2%, un déficit à 2,3% et un excédent des comptes courants à 2,8% du PIB. En France, la dette publique atteint 1 PIB, la croissance 1,7%, le déficit budgétaire 2,6% du PIB et, différence importante, nos comptes courants sont en déficit de 0,8% du PIB. Gentils, les marchés acceptent, comme Bruxelles, que le déficit public français remonte de 2,6% du PIB en 2018 à 2,8% en 2019 du fait de « mesures exceptionnelles » ! La France « tient »  parce qu’elle « vend » bien ses réformes, plus son lien avec l’Allemagne.

Mais si les tensions montent encore entre Rome, Washington, Bruxelles et Francfort, nous serons et grippés et fiévreux. Notre dette est pour moitié en mains étrangères, contre un tiers pour la dette italienne ! Il nous faut moins de déficit, plus de productivité et de compétitivité : l’homéopathie politique ne nous guérira pas.