Emmanuel Macron téléphone à Jean-Luc Mélenchon

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 Emmanuel Macron téléphone à Jean-Luc Mélenchon

Emmanuel Macron : Monsieur le Président de la France insoumise, je vous joins sur votre téléphone crypté, pour quelques minutes. Ceci vous va-t-il ?

 

Jean-Luc Mélenchon : Oui, Monsieur le Président de l’autre France, si vous me permettez la provocation liée à la surprise de votre appel.

 

E M : Je comprends que je puis continuer. Voilà : voulez-vous être mon Premier Ministre, après Elisabeth Borne que je ferai partir ?

 

J-L M : Quoi !? Après ce qui s’est passé à la Chambre ?

E M : Oui : c’est le dossier des retraites que je vous demande de traiter, en fonction du programme chiffré que vous avez sur votre site : retraite à 60 ans, SMIC à 1600 euros…

 

J-L M : Vous savez : il fallait équilibrer à terme tous ces comptes sans se lancer dans vos petits calculs. Et comme les entrées dans les caisses de retraite dépendent des salaires, il fallait beaucoup augmenter les petits salaires et ceux des femmes, pour qu’elles gagnent autant que les hommes à travail égal. Plus de salaires, plus de retraites !

E M : J’ai lu et c’est précisément pour qu’on teste votre programme que je vous ai appelé : les médias sont si occupés à défaire le mien qu’ils ont zappé le vôtre, alors qu’il y avait tant à en dire. Vous leur faites si peur, ou ils sont si nombreux à vous aimer ?

 

J-L M : Les deux. C’est ça le piège que vous me tendez ?

E M : Piège : si vous voulez, mais double et intéressant ! Face à votre programme de Premier ministre dans le débat au Parlement, il faudra que Marine Le Pen donne… aussi son plan. Vous avez remarqué : elle a pratiquement pris vos propositions, mais sans un chiffre. Il faudra qu’elle sorte de cette posture où elle organise des tirs, contre moi surtout, contre vous un peu plus, sans rien risquer, elle. Si vous réussissez, vous prendrez ma place ! Autrement, ce sera elle.

 

J-L M : Vil tentateur ! Me forcer à défendre mon programme pour pousser Mme Le Pen à publier le sien et venir à l’Élysée ! Mais l’opposition, c’est pourrir la vie de l’adversaire, pas mettre en œuvre ce que l’on propose ! Autrement, c’est moi qui m’expose.

E M : Je vois : l’opposition est une position !

 

J-L M : C’est du tir, jusqu’à ce que la cible tombe. Mais ceci ne veut pas dire qu’on se mettra à sa place, sauf si on se veut « parti de gouvernement ».

E M : C’est le risque majeur pour vous ?

 

J-L M : Vous savez que je suis « insoumis » !

E M : Oui, mais à quoi, à qui ? Vous savez aussi que Trotski disait : « un parti qui n’aspire pas à s’emparer du pouvoir ne vaut rien ». « Insoumis » n’est pas un projet : je vous propose de passer à l’acte, et au pouvoir.

 

J-L M : Non, je veux que le vôtre disparaisse.

E M : Mais, il n’y a pas de vide en politique. Vous faites le jeu de l’extrême droite : vos positions vous perdent, tandis que Marine garde le silence sur ses choix économiques et écologiques.

 

J-L M : En écologie, je ne suis pas bavard non plus. Nous avons, tous, tout à perdre à dire qu’il faut fermer des usines, arrêter des productions et continuer le nucléaire. Autant que ce soient les autres. Et dire qu’il faut consommer ce que nous produisons ne tiendra pas, ce fameux « localisme » du RN, si nous voulons changer d’ordinateurs ou de portable ! Et les Verts ne disent rien non plus sur ce qu’il faudra défaire et contre la pénurie d’eau dans l’agriculture, si on veut croissance et emploi.

E M : Silence surtout, sauf chez mes soutiens, si l’on veut produire plus et mieux pour exporter plus. Et vous venez de dire que le secteur du luxe ne vous intéresse pas, alors que c’est l’image de notre pays !

 

J-L M : Être exposé au luxe quand on ne peut se le payer, c’est une autre source d’insatisfaction. Mieux vaut travailler moins longtemps…

E M : Et gagner plus, je suppose ! C’est pourquoi je suis dans l’attente de votre réponse.

 

J-L M : J’ai percé votre plan et vais y réfléchir. Si je dis non, il faudra que je m’explique partout. Si je dis oui, je tue l’extrême droite et une bonne part de votre parti, et j’entre dans l’histoire.

E M : Je sais : il y a des risques de tous côtés, mais je parie sur la raison, contre les sommets de populismes que nous vivons.

 

J-L M : L’histoire ne repasse pas les plats : vous jouez sur un coup de dés votre dernier quinquennat.

E M : Pas forcément le dernier : je suis jeune encore ! Mais vous avez bien raison, je fais un pari avec vous à Matignon : c’est pour nous guérir de l’attrait de ces deux abîmes symétriques, à droite et à gauche.

 

J-L M : Entrer dans l’histoire… ma réponse est…

E M : Il a coupé !