Emmanuel Macron appelle Jean-Luc Mélenchon

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 Emmanuel Macron appelle Jean-Luc Mélenchon

Emmanuel Macron : Monsieur le Député, je vous appelle, sur mon téléphone protégé, parce que je suis inquiet de ce qui arrive en ce moment et voudrais savoir où vous voulez aller, si bien sûr vous souhaitez me le dire ?

Jean-Luc Mélenchon : Monsieur le Président, pardonnez ma surprise : c’est la première fois que vous me contactez ! Et ma réponse sera simple : je veux aller… à votre place !

E M : Cela, je l’avais compris. Mais je crains que vous ne poussiez à un résultat inverse : l’élection de Marine Le Pen, à force d’inquiéter le centre, mais aussi des ouvriers et des paysans, plus bien sûr les personnes âgées….

J-L M : Cela, je l’ai vu. Mais je n’ai pas le choix : dans une France qui vieillit et qui s’inquiète de la montée de ses dettes, c’est maintenant ou jamais pour mobiliser les jeunes, d’extrême gauche ou pas. Et c’est moi qui pousse ce PS et ces écolos qui ont peur, les premiers de ce qui se passe, les seconds de ce qui se passera !

E M : Je suis d’accord sur votre analyse pour le PS et les écolos, mais pousser vers l’extrême droite, comme en Italie ou en Suède, bientôt en Espagne et en Allemagne, pour rejoindre la Pologne et la Hongrie, va faire sauter l’Europe. C’est rouler pour Poutine et Xi !

J-L M : Et alors ? Il faut affaiblir ce capitalisme, allié des Américains, et exploiteur.

E M : Et pollueur ?

J-L M : Et pollueur aussi, merci : normalement, je l’ajoute toujours ! Vous m’avez bien compris : vous êtes mon principal ennemi !

E M : Mais le centre va sauter.

J-L M : Le centre est un non-lieu politique, un terrain de chasse pour la droite ou pour la gauche, annexé en fonction des époques. Jamais auto-suffisant. C’est vous qui avez réussi le miracle de lui donner quelque substance. C’est fini : le compte à rebours de votre  passage sur terre est enclenché.

E M : Mais je ne suis pas politiquement mort !

J-L M : Sans avoir de doctrine populiste, si : il n’y a que cela qui sauve ! Et c’est moi, Mélenchon, qui vous le dis, puisque nous sommes entre nous ! Les Français n’ont pas voulu « mourir pour Dantzig » en 39, avec le socialiste et futur pétainiste Marcel Déat. Aujourd’hui, ils ne veulent même pas payer l’essence pour Kiev. Il faut être populiste !

E M : Vous êtes désespérant. Et l’Europe, et le multilatéralisme, et la démocratie ?

J-L M : Et les salaires chez EDF, les retraites à la SNCF, les promotions et les horaires à l’Éducation Nationale ? N’oubliez pas les vrais pouvoirs.

E M : Et le budget : nos impôts couvrent 50% de nos dépenses ? Le reste, soit 50%, est de la dette !

J-L M : Les Français savent qu’on nous demande 3% et que nous sommes à 5%. Pas loin !

E M : Mais il s’agit d’un déficit de 5% du PIB, celui qui vient du critère de Maastricht de 3% de PIB de déficit ! Vous confondez.

J-L M : Bien sûr que non, mais croyez-vous que mes électeurs font la différence ? Les vôtres savent, et ont peur. Les miens retiennent 5%, et avancent.

E M : Alors il faudrait mentir, ne pas ouvrir les yeux face à des décisions pénibles, prendre les Français pour des illettrés ? Gouverner c’est choisir, disaient Mendès-France et Rocard.

J-L M : « Illettrés » : c’est de vous. « Mendès-France et Rocard » : ils ont laissé plus de souvenirs que d’actions !

E M : Mendès : résistant, ministre de de Gaulle, artisan de la paix en Indochine, de l’indépendance de la Tunisie, du début de celle du Maroc… Pas mal. Et Rocard : le RMI, la CSG, le premier « livre blanc sur les retraites », et 28 votes en 49-3 ! Pas mal non plus, contre la droite et le Président Mitterrand.

J-L M : Et alors ? A quoi bon me citer ces politiques abstraits, qui croyaient que les idées et l’économie priment, alors que c’est la politique et le rapport de force.

E M : Le rapport de force n’est pas le rapport de n’importe quelles forces. Aujourd’hui, dans ce monde plus compliqué, il faut être de plus en plus subtil.

J-L M : Au contraire ! Dans ce monde plus compliqué, il faut être plus brutal et bousculer les « subtils ». Croyez-vous que Poutine et Xi méditent beaucoup ? Et quand ils ont pris leur décision, ils ne s’arrêtent pas.

E M : Donc la démocratie va perdre, parce que nous débattons. Mais c’est sa définition !

J-L M : Mais aujourd’hui ce qui importe, c’est de diriger longtemps. L’incertitude inhérente à la démocratie l’use.

E M : La stabilité plutôt que la liberté ?

J-L M : C’est ce qui marche partout.

E M : Vous me faites peur !

J-L M : C’est l’idée !

E M : Je vais travailler pour que nous restions libre !

J-L M : Faites, Président !