Etats-Unis, premiers entrés dans la crise - et pour cause, ce seront les premiers sortis de la crise - ce sera pire pour ceux qui suivent. Les États-Unis seraient-ils donc les grands gagnants de tout ce qui se passe ? Et pourquoi pas ? L'amélioration américaine se confirme, même si elle n’est pas rectiligne. Même si le deuxième trimestre est plus faible, l'emploi va mieux et plus vite que prévu. La réduction du déficit budgétaire se met en place et les coupes automatiques dans le déficit budgétaire américain n'ont pas l'effet négatif qui était tant craint pour la croissance. Bref, les Etats-Unis ont réussi un joli doublé...
D’abord, et pendant des années, la politique économique des Etats-Unis faite pour soutenir leur croissance coûte que coûte avec de la dette, creuse les déficits extérieur et public – mais elle marche. Ensuite, quand vient la crise, chacun cherche ses solutions, mais ils s’en sortent mieux que tous les autres. Ils baissent les taux courts et longs, le dollar, plus leurs salaires, plus le prix de leur énergie. Ce faisant, quand ils vont mieux, ils précipitent tous les autres pays dans les difficultés. Ainsi, aujourd’hui, la montée des taux d’intérêt à long terme qui vient de la normalisation de la politique monétaire américaine est de nature à aggraver les tensions partout, et chez les émergents et chez les industrialisés. Et le rythme de cette hausse dépend des Etats-Unis.
Chez les émergents, la Chine entre dans la danse. Les montées du crédit bancaire et du shadow banking y ont créé des bulles, qui ne sont pas (encore) officiellement reconnues. Il y a pourtant des bulles dans l’immobilier et aussi – plus grave – dans le financement du secteur public, des grandes villes et des régions. Il s’agissait alors, pour les Chinois, de surfer sur la vague de la croissance, comme toujours. Mais aujourd’hui, c’est aux autorités de freiner la décélération en organisant un ralentissement en douceur, sachant qu’elles ne peuvent plus soutenir l’activité à crédit – nous verrons comment ils s’y prennent. En effet, quand montent les taux longs chinois, sous l’effet de la remontée des taux longs américains, la situation du système bancaire se détériore. L’inquiétude est palpable.
Les difficultés se propagent : Inde, Brésil, Turquie, Egypte. Elles se propagent à l’Inde, toujours prise dans ses complexités. Au Brésil désormais, dont la compétitivité s’est fortement réduite et qui doit faire face, en même temps, à une décélération de sa croissance, à une montée inflationniste et à une poussée du mécontentement social. Et n’oublions pas la Turquie et plus loin l’Egypte. Et toutes les monnaies de ces pays faiblissent, au bénéfice du dollar, ce qui inquiète tout le monde.
Le Royaume-Uni va suivre, avec des questions croissantes sur la livre sterling. Voilà des mois que le Royaume-Uni continue sa politique monétaire de quantitative easing, avec des achats de bons du trésor importants et des taux longs à 2,3 %, au-dessous des taux américains (2,6 %) alors que l’inflation est à 2,8 %, et l’inflation américaine à 1,4 %. Le Royaume-Unis avance masqué, c’est ce qu’il y a de plus intelligent à faire, mais il faudra qu’il parle de sa devise, qui faiblit…
Arrive la zone euro, qui se divise en trois : le nord qui va globalement bien, le sud qui va mieux après avoir subi d’importants et très violents ajustements… et la France, nordiste dans certains de ses discours et sudiste dans la plupart de ses comportements, et qui va découvrir la réalité. La France ne voit pas encore toute sa situation et rechigne aux efforts, alors qu’ils viennent à peine de commencer, mais les entreprises voient bien ce qui se passe. La France ne voit pas les dix ans compliqués qui viennent pour tous, donc l’intérêt qu’il y a à bouger au plus vite, et à se mettre d’accord… Le temps joue contre nous….
Quand les Etats-Unis sortent de crise en laissant les suivants « profiter » de la porte du saloon, il faut tous nous préparer. En France, on répète en boucle que « la reprise est là ». Le Président la voit, même. Attention à ne pas prendre la porte.