Écologie politique ou économique ?

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 Écologie politique ou économique ?

Bure : ce 27 octobre, le Conseil constitutionnel permet l’enfouissement, à 500 mètres sous terre, des déchets des centrales nucléaires. L’affaire dure depuis longtemps (1991 : loi Bataille, 2000 : décision de Lionel Jospin), entre manifestations et recours. Après le jugement du Conseil, il n’y aura donc plus rien… en droit, sachant que le législateur, prudent, demande à « ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Noble préoccupation, qui impliquera des vérifications quinquennales dans les siècles à venir. Pour celui-ci, préparons-nous à d’autres manifestations.

Castres : il s’agit de mieux relier Castres à Toulouse. Un projet qui remonte à 1994, avec un doublement de la nationale au début. Vient en 2010 l’idée d’une autoroute de 53 kilomètres, privée donc à péage. Les tensions redoublent, puisque ceux qui veulent l’emprunter devront payer et qu’elle réduira d’autant la surface agricole utile.

35 milliards à Bure, 450 millions à Castres, plus de trente ans partout pour décider, en convainquant de moins en moins, sachant que la science ne peut rien dire sur le traitement futur du nucléaire, ni persuader ceux qui ne veulent pas l’être. On pourrait s’interroger sur ce que serait une croissance sans électricité et se demander si des innovations agricoles ne vont pas compenser les surfaces perdues avec la construction de l’autoroute. Mais : motus !

L’écologie est toujours économique, dans la mesure où il s’agit de changer nos modes de production et de consommation, et plus profondément nos modes de vie. Mais c’est là « l’effet conséquence » de ce qui devrait se produire et non d’une nouvelle organisation économique et sociale pour sortir des limites et des crises actuelles, entre sécheresses et tornades. Changer, c’est aujourd’hui aussi difficile qu’indispensable. Bien sûr, il s’agit de réussir les aménagements en cours, de vaincre les réticences, les peurs et les « avantages acquis » qui ne peuvent plus le rester. Facile. Mais on ne peut oublier l’attraction de l’american way of life, addition du pavillon de banlieue, de l’équipement du ménage et de l’automobile. C’est ce package, alliant consommation et production à la chaîne de biens de consommation durable, qui a permis de profiter des baisses de prix liées aux économies d’échelle. Ce furent les « trente glorieuses ».

Mais que va-t-il se passer demain, dans une économie qui prohibe l’obsolescence accélérée, qui vante la simplicité des équipements, sans options inutiles, simples, durables et recyclables ? Le low tech sera-t-il sexy ? Comment réagiront les pharmaciens qui devront vendre les pilules à l’unité ? Quelle sera la réaction des consommateurs de produits moins chers, mais face à des choix plus limités dans de plus petits magasins ? Comment réagiront les acheteurs de véhicules plus légers et compacts, limités à 140 km/h ?

L’économie verte sera-t-elle grise ? Ce serait bien de la décrire et de l’illustrer, pour attirer vers elle. Les manifestations à Bure, Castres, autour des bassines de Sainte Soline ou du tunnel sous le Mont Blanc décrivent-elles une opération de ralentissement face aux changements, ou la figuration de ce qui nous attend : avancer lentement, sous les clameurs ? Comment comprendre les destructions de plantations expérimentales moins consommatrices d’eau ?

Les États-Unis ont montré, et filmé, dans les années soixante ce qui arriverait, sous de beaux éclairages. Tout ne s’est évidemment pas si bien transposé, là-bas comme ici. Mais au moins avait-on une image de l’ensemble. Tel n’est pas aujourd’hui le cas. Les bouleversements climatiques, plus les contraintes physiques sur lesquelles nous buttons, eau et terres rares par exemple, nous montrent la nécessité de transformations profondes. Au lieu de changer et de croître, en fait d’accepter de croître pour changer, nous faudra-t-il trente ans pour rouvrir et réexploiter les mines de terres rares détectées en France ? Décrire le futur sous des formes non catastrophiques est-il impossible ? Le Soulèvement de la terre empêche-t-il son creusement ? Refuser le progrès, avec des sentiments plus terrifiants que techniques n’aide pas.

Certes, les scientifiques n’ont pas toujours raison. Mais les entreprises se mettent au monde qui vient, en parlent, se demandent que faire et qu’abandonner. Et les jeunes sont prêts à s’embarquer. Filmons le futur.