La terre change sous nos yeux ; les politiques s’affrontent ailleurs. Le rythme des saisons devient méconnaissable dans cette France dite « tempérée » ; les politiques campent sur des positions extrêmes. La biodiversité est jugée sur une pente catastrophique ; les partis se développent, eux, par scissiparité. Alors, comment tracer des solutions partagées sur cette fine croûte terrestre, pour sortir de ces oppositions qui passent à côté de l’essentiel… parce que c’est l’essentiel ?
Il pleut partout. Les rivières sortent de leurs lits et entrent dans les maisons. Les machines deviennent hors d’usage. Les magasins sont sous la boue (et c’est bien pire en Espagne). Mais, il y a quelques mois, c’était une terre asséchée que l’on voyait se craqueler, devant des agriculteurs angoissés. Pendant ce temps-là, les « écologistes radicaux », expression qui se réfère plus à leurs manifestations physiques qu’intellectuelles, s’opposaient violemment à un tunnel ferroviaire. Passant sous les Alpes, il aurait joint Lyon à Turin et fait disparaître les camions qui encombraient les vallées. Où expriment ils maintenant leur colère ? Certains détruisent les bassines destinées à réguler les chutes d’eaux ou les pelles mécaniques qui construisent l’autoroute entre Toulouse et Castres. Que proposent-ils à la place : arrêt ? Rail ? Route élargie ? Partout ces mêmes questions : comment sélectionner les investissements pour soutenir l’économie, face aux mutations climatiques ?
Pour répondre, la « science » n’aide pas, comme souvent ; c’est à nous de choisir, comme toujours. Les solutions varient selon les experts, leurs domaines, les horizons de temps ou les espaces géographiques qu’ils retiennent. La science donne des réponses, elle se trompe un temps, est ensuite dépassée, mais au moins elle parle ! C’est heureux, car autrement l’histoire des hommes serait écrite dans des tubes à essai ! Tous les chercheurs assènent leurs raisons et leurs prévisions, critiquant celles des autres. Ce brouillard est propice aux climatosceptiques, variante des complotistes, pour nier les changements actuels du climat. C’est de vieille guerre : à nous de trouver des solutions, de prendre nos risques.
Nombreux prônent la décroissance. En 2022, selon l’IFOP, 55% des Français se disent prêts à réduire leur consommation matérielle pour protéger l’environnement, mais ils n’en précisent pas le degré, la durée, les effets sur l’emploi et moins encore les moyens de conjurer une spirale dépressive. Heureusement, d’autres, mais minoritaires, mettent en avant ce que permet la révolution de l’information en cours, avec l’IA notamment. Il s’agit de mieux prévoir et satisfaire les attentes, mieux suivre les dépenses publiques et privées, d’optimiser les activités dans les bureaux, les écoles, les usines, les administrations, les hôpitaux, de tester, innover et former. Il ne s’agit pas seulement de surveiller, mais de conseiller et d’aider à changer, pour être plus efficient. Il est toujours plus simple, quoique stérile, de casser…
Qu’il s’agisse de pluies ou de sécheresses, rien n’est possible, au-delà de mesures administratives ou fiscales, sans discuter des comportements. Lutter contre l’imperméabilisation des sols, contre les gâchis et autres surconsommations, adopter une attitude plus écoresponsable, autrement dit plus informée, mesurée, citoyenne et morale, est-ce possible, sans crier ? Comment ?
C’est ici que l’on trouve le « trou noir de la pensée politique française », compte-tenu de la situation que nous vivons : écologique, géopolitique, militaire, économique, démographique, financière… Par exemple, que pensent les « décroissantistes » par rapport aux conséquences de l’augmentation du SMIC ? Elle est une amélioration du niveau de vie des bas salaires, pour autant qu’elle n’augmente pas l’inflation, le chômage et le déficit extérieur. Elle est toujours une plus grande utilisation des matières premières. Elle n’est positive qu’avec de la formation pour augmenter les compétences et ne pas enfermer les SMICards pour toute leur carrière, pour optimiser les systèmes de production et de consommation. Il n’y a rien de plus compliqué que l’écologie.
La chaîne des crises se rompt en son maillon le plus faible : financier. C’est la responsabilité des politiques de parler d’écologie pour informer et convaincre. Il n’en sortira pas toujours de solution partagée, mais au moins on réfléchira sur le principal.