DT : Cher BC, comme je vous trouve inquiet devant mes propos et actions récents, je vais tout vous expliquer !
BC : Je suis médusé de votre appel, Président, et vous écoute.
DT : D’abord, ce qu’on appelle Diplomatie et Stratégie à Washington, c’est la continuité peureuse. Les têtes pensantes des grandes puissances sont conservatrices, surtout ici. Then, si on veut nous affaiblir, il suffit d’être calme, persévérant, low profile. Et ainsi la Chine a bouleversé le rapport de forces mondial grâce à nous et décide, maintenant, de hausser le ton !
BC : Donc ce seraient l’OMC et la finesse chinoise face au conservatisme des puissants qui auraient permis l’actuel bouleversement du monde ?
DT : Plus Davos et le FMI.
BC : ??
DT : Le FMI, ce sont ces grandes réunions où se créent une « idée du futur », en fait deux ou trois taux de croissance à deux ans. Plus quelques angoisses, toujours des bulles, aux Etats-Unis, en zone euro et maintenant en Chine, plus des catalogues de bonnes résolutions à ramener chez soi. Et Davos, c’est la fabrication d’un monde gentil, où les riches donnent aux pauvres, les innovateurs filent leurs brevets et les milliardaires payent la note d’électricité des Africains. Entre Davos et FMI, notre vigueur de capitalistes conquérants s’émousse, et nous perdons.
BC : Les Chinois ?
DT : Les Chinois… qui pilotent les BRICS. N’oubliez pas, ils sont entrés à l’OMC parce qu’ils ne s’en sortaient pas avec Mao. Ils se sont dits très pauvres, pour avoir les meilleures conditions. Puis, une fois admis, ils ont envoyé des hordes de statisticiens recalculer leur PIB. Ils avaient « oublié » les services, comptabilité soviétique oblige ! Les voilà alors plus gros et riches, au total bien sûr. Puis ils n’ont cessé de s’étendre, de faire du dumping, de manipuler leurs stats et leur monnaie. Et maintenant, le Renminbi est une monnaie contre laquelle les pays émergents peuvent garantir la leur ! Et ils demandent le statut d’ « économie de marché » ! Et ils nous dépassent après nous avoir copiés dans plusieurs domaines de haute technologie ! Et ils veulent maintenant contrôler la mer de Chine !
BC : D’où votre réaction ?
DT : Comment faire autrement, quand on a cajolé et nourri celui qui veut vous détruire ? Obama était beau parleur, mais mou. Il se voulait séducteur par les mots, il a été séduit dans les faits. J’ai donc décidé de changer !
BC : Mais vous faites peur à tout le monde, aux Japonais, aux Européens, aux marchés !
DT : Les Japonais doivent s’armer et d’abord se reproduire. C’est une île de vieux qui croulent sous les dettes et rêvent de se faire servir au lit par des robots. Les Etats-Unis ne peuvent pas protéger des peuples qui ne veulent plus le faire. Nous ne sommes pas des mercenaires – nounous ! Pareil pour les Allemands. Et je n’ai pas parlé de l’Autriche neutre qui dépense plus pour ses opéras que pour son armée. Vous m’avez compris : je veux qu’ils se réveillent !
BC : Mais c’est risqué, vous allez ouvrir une course aux armements !
DT : Non ce n’est pas risqué. D’abord, les grands émergents, Chine en tête, s’arment, plus la Corée du Nord. Ensuite, les pays démocratiques, inquiets, vont bien sûr s’armer, se regrouper, et surtout se rendre compte que nous sommes, de loin, les meilleurs.
BC : Mais on a le sentiment que vous voulez la fin de l’Europe, en soutenant le Royaume-Uni et une alliance avec Poutine…
DT : Avec le Royaume-Uni, j’aurai un pied en Europe. Et ils ont voté le Brexit pour devenir indépendants ! En discutant avec Poutine, je force l’Allemagne à moins exporter et à plus se défendre, l’Europe avec. Et ça me coûtera moins cher.
BC : Au fond, vous êtes un défenseur du monde libre ?
DT : A ma manière. Ne comptez pas sur moi pour de beaux discours, je crie, je menace, je tweete. « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent », ça vient du latin je crois. J’ai ouvert ainsi mon seul cours à ma Faculté.
BC : Mais pourquoi me dites-vous ça, si vous voulez commencer à inquiéter vos amis, pour qu’ils se renforcent ?
DT : Mais parce qu’ils ne voient rien ! Ils sont si inquiets qu’ils ne veulent plus investir, embaucher, risquer. J’approche la seringue, ils se tirent ! Alors oui, il faut que leur dise, à ces nuls, qu’il faut qu’ils se secouent. Autrement, nous avons perdu : Européens, Japonais, Indiens, puis moi en Amérique !
BC : Et les Français ?
DT : Ils nous ont beaucoup aidés, au début. Donc on va les aider contre… eux-mêmes !
BC : How ?
DT : En leur disant qu’on les laisse !