Do you speak les mots anglais de la politique monétaire mondiale ?

- Ecrit par

1 - Credibility : c'est la véritable arme des banques centrales. Non pas l'arme des taux, mais l'arme des mots. Ainsi, quand Mario Draghi annonce qu'il fera "tout ce qu'il faut" (whatever it takes) , mais sans dire vraiment quoi, ceci afin d'éviter un drame espagnol ou italien, ça marche. Les taux longs baissent, la confiance revient. Merci credibility..... mais attention aux excès...

2 – Great Moderation : Quel mot ! C’est (c’était) une heureuse période, où la croissance mondiale était là, et où l’inflation était modeste. Le risque devait être quasi absent… sous la houlette des banquiers centraux de l’époque (Alan Greenspan) particulièrement crédibles (voir 1). Merci, et tout devait durer…

3 – Self fulfilling prophecy :  prophétie auto-réalisatrice. Miracle qui se produit quand un banquier central crédible (Mario Draghi aujourd’hui) annonce qu’il fera tout ce qu’il faut (whatever it takes)… et qu’on le croit. Mais attention aux excès.On se souvient de la new era d’Alan Greenspan, de cette nouvelle période où la productivité allait monter. On se souvient de ses demandes faites alors aux américains pour qu’ils prennent plus de risques, et de son engagement à tenir l’économie en cas de difficultés (le Greenspan’s put). Qui trop promet…  nous perd.

4 – Great Recession : c’est la période qui a suivi la Great Moderation. Pas de commentaire. Mais pourquoi donc cette crise, alors que tout était si surveillé et  si sûr ? Avons-nous trop cru ?

 5 – Zero Bound : limite zéro (des taux). C’est donc la crise globale qui nous arrive. Pour en sortir, une seule solution : la baisse rapide des taux d’intérêt par la banque centrale. Mais elle butte sur les taux zéro. Sauf  à aller vers des taux négatifs, autrement dit imposer des charges d’intérêt aux déposants. Une arme qui est censée les conduire à dépenser, pour lutter à tout prix contre la déflation. Sauf si elle inquiète encore plus ! Et alors ils épargnent plus ! Faisons donc autre chose.

 6 – QE : Quantitative Easing. C’est une technique de politique monétaire qui consiste à demander à la Banque centrale d’acheter des bons d’état pour faire baisser les taux longs et de s’affranchir ainsi des problèmes du zero bound. Utilisé massivement aux États-Unis par la FED, mais interdit en zone euro pour la BCE.

7  – Adverse Loop : cercle vicieux. Quand la BCE veut soutenir les banques en zone euro et qu’il lui est interdit de faire du QE, elle leur finance à long terme la possibilité d’acheter des bons du trésor. Les banques espagnoles (italiennes…) achètent alors des bons du trésor espagnol (italien…) ce qui fait que les taux longs espagnols (italiens…) baissent et qu’elles-mêmes se remplument. Sauf qu’on s’aperçoit alors que les banques espagnoles (italiennes…) ont pris du risque espagnol (italien…).Surprise, surprise ! La boucle de réduction des risques peut alors tourner dans le mauvais sens si la situation du pays se détériore encore…

 8 – Overshooting : excès de correction. Quand vous sortez du QE, le risque est grand que les taux longs, qui ont beaucoup baissé, se mettent à remonter très fort, au risque de mettre en danger la reprise. Comment faire alors ?

 9 – Pre-commit : s’engager. La BCE ne s’engage pas (ne s’engageait pas) sur ce qu’elle fera (ait) la fois prochaine. We never pre-commit était la phrase favorite de Jean-Clause Trichet, reprise au début par son successeur. La BCE agissait, disait-elle, en fonction de son mandat et selon les circonstances du moment. L’idée est (était) de garder les mains libres, autant que possible bien sûr – et de réduire ainsi (autant que possible toujours) la pression des marchès financiers sur elle. Ceci semble fini.

10 – Constructive Ambiguity : ambiguïté constructive. Il s’agit de savoir comment gérer des messages flous, ambigus, tout en étant mesurés, de telle sorte qu’ils permettent aux marchés financiers de se faire, quand même, une idée de ce qui se passe dans la tête des banquiers centraux – sans le dire. Mais ce jeu devient vite ridicule quand vous devez sortir du QE (donc que la banque centrale américaine doit acheter moins de bons du trésor) et que vous voulez désamorcer les anticipations de hausse des taux longs. La FED doit alors dire qu’elle se prépare à diminuer… ou bien à augmenter les achats de bons du trésor ! Il s’agit en réalité de dire qu’on va changer, mais sans dire comment, sachant qu’acheter plus de bons du trésor est impossible ! Un jeu énervant pour tout le monde. On passe donc à autre chose….

11  – Tapering : effilochage. Puisque la Fed doit acheter, quand même, moins de bons d’état et qu’elle veut réduire l’overshooting, elle va se mettre à dire qu’elle va en acheter de moins en moins, puis plus du tout. Elle effiloche les achats, pour calmer la hausse des taux longs. Mais ce n’est pas assez précis.

12 – Forward Guidance : pour éviter plus sûrementencore l’overshooting, et être plus précis que le tapering, il faut que la banque centrale pilote durablement les anticipations. Elle doit donc dire très en avance, et de façon continue, ce qu’elle envisage de faire, ou plus précisément livrer les clefs de son raisonnement. Donner son logiciel en quelques sorte. La FED le fait depuis des mois, la BCE s’y lance. C’est la fin du we never pre-commit en zone euro. C’est donc le début d ‘un nouveau jeu du chat et de la souris avec les marchés. Car la vérité est que nous sommes plus endettés qu’avant, avec moins de croissance qu’avant. Notre vocabulaire pour gérer nos problèmes, en attendant de les résoudre, n’a donc pas fini de progresser. Se payer de mots a toujours des limites.