Comment comprendre ce qui se passe, cette accélération de l’histoire, avec ces revirements politiques en tous sens ? Est-ce la faute à Poutine, à Xi, à Gaza-Israël, à l’Europe, à « l’extérieur », à Macron, ou à nous ? Quand le 9 juin au soir, au vu des résultats des européennes, le Président Macron dissout la Chambre des députés et appelle à des élections, françaises cette fois, tout le monde est, pour le moins, surpris.
Vexés de n’avoir rien vu, en rage même, les commentateurs et politiques se divisent sur les raisons de cette décision et surtout ses effets, sauf pour dire que Macron est responsable de tout, plus irresponsable. Cette « explication » les réunit : la décision de dissoudre les absout. Mais faudrait-il oublier les empoignades, les motions de censure et les 49-3 que nous venons de vivre ? D’où vient donc cette France écartelée entre extrêmes gauches et droites, avec un centre obtenu par différence, rabougri, et qui ne fait plus pencher la balance, pour réunir et avancer ? Nous voilà désormais politiquement à trois : Droite, Gauche et Centre, Mélenchon et Zemmour étant supposés « extériorisés ».
Et l’économie dans tout ça ?
La revoilà. Les oppositions politiques, polarisées par les tensions et manipulations venues du dehors, qu’elles soient communautaires, religieuses ou autres, ont fait oublier les questions économiques. Pourtant, il est difficile d’analyser le vote RN sans mentionner sa lutte contre les normes et les accords internationaux d’échanges, contre l’inflation, pour le pouvoir d’achat, pour la retraite à 60 ou 62 ans. Pareil pour la Nupes, ressuscitée d’entre les urnes. S’agit-il au fond de protectionnisme de droite ou de gauche, de politique économique de droite ou de gauche ? Les ouvriers et employés ont-ils viré de bord, ou bien le populisme est-il entré dans tous les programmes, pour accéder au pouvoir ?
On dira que les élections européennes ne l’étaient que de nom, très françaises en réalité, mais le phénomène s’est retrouvé partout. Les migrants et les normes sont la façon désinhibée d’être nationaliste en Europe, maintenant qu’il n’est plus question de Frexit ou d’abandonner l’euro. Les questions stratégiques sur les nations et leur coopération reviennent au premier plan, maintenant que Maastricht et ses critères ont cessé leurs rôles de paravents, plus idéologiques qu’économiques. Il faudra bien savoir ce qu’est l’Europe Puissance, quand Chine et Russie veulent diriger le monde, quand les États Unis rentrent chez eux, quand le changement climatique et la révolution technologique frappent à toutes les portes. Comment répondre, en France et en Europe, à ces exigences ?
Le rôle de repoussoir de Mélenchon pour empêcher la deuxième majorité absolue de Macron a réussi il y a deux ans. Ensuite, Glucksmann fut un leurre pour sauver le PS et éloigner Mélenchon, au moins un temps. Aujourd’hui il va à Bruxelles. L’usure du pouvoir est une chose, celle du pouvoir médiatique une autre, immédiate, extrême mais très instable. Le 9 juin fut une journée de dupes, pas de Nupes ! Maintenant, tous discutent ensemble salaires, retraites, protection de l’emploi, comme avant. L’ISF revient lorsque l’on fait les additions, les agences de rating ayant abaissé leurs notes, les taux ayant monté et la bourse chuté.
L’économie reprendra sa place. Elle fera ses comptes : hausses des coûts privés et publics à gauche et à droite, contre compétitivité. L’emploi et l’investissement paieront, plus la dette. La question sera de savoir si les classes intermédiaires et les entreprises tiendront. Puis il faudra dix ans pour remonter la pente. Sauver les meubles, c’est en sauver un : son siège. Après moi la dette : souhaitons qu’elle se vende sans problème.
Et voilà les vieux slogans. A gauche : lutte contre les inégalités, impôts, relance par la consommation, services publics, salaires, blocage des prix. On luttera contre « l’extrême droite », sans mentionner ses propositions sociales, tout aussi coûteuses. On ne parlera ni nucléaire, ni 35 heures. A droite, on parlera migrants, frontières, ordre, mais pas encore d’impôt. On y dira que l’inégalité se réduit par la formation, que le désordre ne vient pas de l’injustice mais se contre par la loi. La « Majorité » présidentielle sera coincée entre Nouveau front populaire et Nouvelle droite. Tout sera nouveau, comme toujours !
Dissoudre : c’est en découdre pour recoudre en plus solide. L’économie le veut, hors des extrêmes. Et nous ?