Dévaluer c’est voler et soutenir « l’établissement »

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 Dévaluer c’est voler et soutenir « l’établissement »

Les anti-euro ne s’y font pas : avec l’euro, on ne peut plus dévaluer le Franc ! Or cette merveilleuse soupape a été utilisée 11 fois depuis la deuxième guerre, plus deux réévaluations du D Mark. On peut toujours dire que dévaluer c’est corriger un déséquilibre « insoutenable ». C’est vrai, mais parce qu’il l’est devenu ! Parce que les coûts internes en France augmentent par rapport aux concurrents, sans que les produits ou les services offerts le méritent.

Alors il faut dévaluer, autrement dit organiser trois vols. Le premier, en dépréciant le travail de tous, c’est voler ceux qui font des efforts au bénéfice de ceux qui n’en font pas. Le deuxième vol, c’est l’inflation. Assez vite en effet, les biens et services importés, essence en tête, sont plus chers. Le prix du travail national ne peut pas suivre. « L’illusion nominale », pour parler comme Keynes, ce sont ces salariés qui vendent moins cher leur travail et achètent plus cher celui des autres, mais sans s’en rendre compte ! Sauf que tout le monde voit que le prix de la vie augmente et attend la prochaine dévaluation, pour « remettre les pendules à l’heure ». Le troisième vol concerne les richesses. Actions, obligations, entreprises, maisons et terres : tout vaut moins cher. C’est « l’euthanasie du rentier », toujours pour citer Keynes. Les nouveaux acheteurs s’installent et possèdent aujourd’hui 40 % du CAC 40 et 60 % de la dette publique. Ce n’est pas leur faute mais la nôtre.

Ces trois vols nous ont constamment affaiblis. En 1958, 1 Mark valait 1,17 Franc. Lors du passage à l’euro, il en valait 3,4. Qui peut penser que l’Allemagne a moins exporté sur cette période et affaibli ses entreprises ? Que s’est-il passé pour les nôtres ?

Ces trois vols nous ont constamment anesthésiés. Quand les entreprises laissent filer les salaires plus que la productivité au détriment des profits et de l’innovation, l’emploi est en cause, mais plus fondamentalement la responsabilité de chacun et la qualité du dialogue social. La « boucle salaire-prix », c’est la victoire de la passivité et de l’irresponsabilité.

Il est donc étrange que les nostalgiques du Franc et de la dévaluation, qui aspirent tant au retour à la France de ses leviers de décision et au changement de ses dirigeants, proposent la seule mesure qui entretient les inégalités, les expropriations et le maintien des castes.