Dette française... la plus sûre du monde ?

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Allons-nous vers le paradoxe où la dette française serait la plus sûre du monde, compte-tenu bien sûr de ce qui se fait ailleurs ? Regardons donc les têtes de nos dettes.

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Etats-Unis : le risque de défaut pour des raisons de politique interne ! Nous l’avons échappé belle ! La dette américaine est la plus importante de toutes. Et elle commence à faire peur pour des raisons de politique interne américaine. La bataille entre Républicains et démocrates sur le plafond de la dette publique peut mener au défaut. Incroyable. Ce que nous vivons de vivre nous paraît impossible, et pourtant devrait se reproduire dans deux mois ! Bien sûr, la dette américaine a l’avantage extrême d’être émise par la plus grande économie du monde, d’être la plus liquide de toutes, d’être liée à la première monnaie du monde, le dollar, avec une  Banque centrale, la Fed, qui connaît mieux que quiconque l’art de l’action astucieuse et du discours persuasif, pour son compte bien sûr. Mais est-ce que trop… c’est trop ?

La dette brute américaine dépasse le PIB américain (1,06 fois). Elle se creuse avec un déficit budgétaire important (5,4% du PIB) et atteint  le plafond d’endettement autorisé. Avant, rehausser ce plafond était une formalité au Congrès américain. Plus maintenant. Pourquoi ? Parce que la donne politique a changé avec des membres du Tea Party, un sous-groupe de Républicains qui refusent l’augmentation des dépenses publiques liée à l’Obamacare, la politique de soin du Président. Ces Républicains ont envisagé de ne pas permettre d’augmenter le plafond, autrement dit que les Etats-Unis fassent défaut. Il s’en est fallu d’un cheveu. Et que va-t-il se passer dans les semaines qui viennent ? Personne ne l’oubliera. Répétons-le : les Etats-Unis ont beaucoup perdu ces derniers jours, et ne peuvent recommencer.

Japon : une rémunération réelle négative au moins, en attendant pire. C’est en effet la dette la plus importante de toutes en termes relatifs, 2,5 fois le PIB japonais. C’est une dette  détenue par les japonais eux-mêmes, ou plutôt par leurs banques et compagnies d’assurance. C’est une dette si lourde qu’elle plombe le pays et le mène à la déflation… jusqu’au moment où le nouveau Premier ministre, M. Abe décide de changer la donne. Il demande à la Banque centrale d’acheter massivement des bons du trésor japonais, il augmente la TVA, le tout avec l’idée de faire baisser le Yen et de faire repartir l’inflation – interne et externe. Autrement dit de faire repartir le PIB nominal et de faire baisser la dette réelle. L’économie se relève à court terme, mais les organismes financiers japonais seront toisés, sans oublier que le déficit budgétaire représenta actuellement 10 % du PIB… Vous aimez ?

Angleterre : une dette importante et un fort déficit avec une économie qui va mieux, mais une monnaie liée au dollar et une politique monétaire à l’américaine. La dette publique anglaise représente 90 % du PIB du royaume et le déficit 7% du PIB. Pour tenir et faire repartir la machine, la Banque d’Angleterre fait comme la Fed : elle achète le déficit public. Alors, avec un déficit important, des taux longs artificiellement bas et une monnaie accrochée au dollar, l’économie repart. Mais sa faiblesse est sa force : elle abrite d’énormes paquebots financiers, qui peuvent la fragiliser si l’économie mondiale tangue. Ses liens avec le dollar peuvent aussi affaiblir la monnaie nationale et inquiéter les investisseurs. Trop de risques en interne, trop de liens risqués en externe, peuvent-ils se dire.

Allemagne : une dette sérieuse mais qui est en train de se tarir. Est-il à ce point intéressant d’être un modèle de vertu ? Aujourd’hui, la vertu est rémunérée à 1,8 % pour des bons du trésor à 10 ans, 1,3 % en termes réels ce qui est bien. Mais avec une masse de bons de trésor appelée à se réduire, puisque le pays réduit sa dette publique. Alors tous les investisseurs vont-ils se ruer sur le Bund, comme en Suisse, au risque de ne plus rien gagner, avec une liquidité décroissante, s’il s’agit d’un actif de réserve absolue ?

France : une croissance faible, une politique de réduction du déficit décidément modeste mais compatible avec une reprise tout autant modeste, une dette importante mais très liquide et bien gérée. Un profil intéressant dans ce concours d’étranges beautés ? Oui si nos dirigeants intègrent son amélioration graduelle en priorité absolue dans leur démarche. De fait, la France a une expertise de la dette et de sa gestion… C’est un avantage qui a trente ans d’âge. De fait, la dette française est liquide, prévisible, organisée. De fait, on sait quelle est l’équation magique du trésor français : une dette un peu plus chère que la dette allemande, mais pas trop, entre 50 et 60 points de base. Ajoutons que la dette française est libellée en… euros, dans un monde où le dollar entend baisser, risquant d’entraîner la Livre, quand le Yen fait tout pour être plus faible. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?