Quelle belle idée, même si aucun « gilet jaune » n’en parle (encore) ! D’abord, les vieux le sont de plus en plus. L’espérance de vie des femmes est de 85,3 années à la naissance en France en 2018, 2,5 ans de plus de plus qu’en 2000. Celle des hommes est de 79,4, 4,2 ans de plus qu’en 2000. Ensuite, les retraitées de 65 ans ont 23,2 ans d’espérance de vie, les retraités 19,4. Enfin, plus ces retraités sont vieux, plus ils épargnent et plus ils sont riches. Et, comme ils mourront vraiment vieux, leurs héritiers directs seront retraités et leurs petits-enfants trentenaires : tard pour créer une boite ou une start up !
Bientôt en France, trois quarts du patrimoine seront ainsi détenus par des retraités, avec une retraite qui durera deux à trois fois plus longtemps que prévu à la création du système par répartition. Les très vieux auront tout, les vieux (retraités) attendront. En même temps, les fils et petit-fils salariés devront travailler pour payer leurs deux retraites, ce qui ne suffira pas. Ils laisseront donc des dettes à la génération suivante, la quatrième, pour n’avoir pas assez payé la retraite des parents et grands-parents ! Mais quand même, avec l’héritage des grands-parents et après paiement des droits, les parents se sentiront obligés de faire une donation à leurs enfants : ils n’auront pas assez de points de retraite, avec les revenus faibles et instables, et moins encore de patrimoine ! Quel futur !
Vient alors Terra Nova, « le think tank progressiste », comme il se définit lui-même. Il propose de taxer davantage les héritages moyens et surtout gros, pour réduire les prélèvements des petits. Il s’agit de « lutter contre les rentes », en commençant par « la première d’entre elles : l’héritage ». Et comme, pour Terra Nova, nous allons vers « une société d’héritiers » où les richesses seront concentrées entre les mains de populations âgées peu disposées à investir et à consommer, « cette évolution serait à la fois socialement injuste et économiquement sclérosante ». D’où la proposition d’augmenter de 25% le rendement de la fiscalité totale des successions, en allégeant les taux sur les petites successions. Il y aurait ainsi une première tranche à 5% seulement de 0 à 20 000 euros, contre ce qui se passe actuellement : 8% de 0 à 8 072 euros, puis 10% de 8 073 à 12 109, 15% de 12 110 à 15 932, 20% de 15 933 à 55 2234 euros. Mais, pour compenser ce moindre prélèvement jusqu’à 20 000 euros, la progression sera plus forte pour les moyennes successions, culminant à 45% dans les deux systèmes pour les plus grosses, mais à partir de 900 000 euros dans le barème nouveau, contre 1,8 million dans l’actuel !
Terra Nova retrouve ainsi 3 milliards d’euros. Ils compenseront, par hasard, la perte liée à la transformation de l’ISF en IFI. Il se trouve aussi que ces 3 milliards égalent la perte du passage à l’impôt à la source sur les successions ! En effet, les héritiers devaient, dans l’ancien système, payer l’impôt sur les successions, plus l’impôt du défunt. Dans le système qui débute, avec l’impôt à la source, il n’y aura pas, par construction, d’impôt différé sur le revenu. Le voilà le cadeau : 72 milliards d’impôt sur le revenu 2017, qui viennent augmenter le patrimoine des 45% des ménages qui payent l’IR !
On comprend ce que veut Terra Nova : récupérer l’impôt perdu sur la fortune mobilière et/ou sur l’héritage avec l’impôt à la source, avec un prélèvement croissant sur les successions moyennes, de façon à réduire les « rentes » des héritiers.
Mais la démographie est oubliée par ce think tank, l’économie surtout. En effet, les petits enfants hériteront encore moins si les parents et grands-parents sont « riches » de plus d’un Livret A plein ! Donc l’incitation à créer, innover et prendre des risques, sera tout aussi tardive, mais bien plus faible !
Pourquoi donc ne pas réduire nettement la fiscalité sur les donations aux petits enfants ? Là, on sera sûr qu’ils hériteront plus tôt et davantage, et non après ce taux confiscatoire de 55 % ! Là, on luttera contre les rentes en transférant plus tôt une part des patrimoines. Là, on poussera les jeunes à risquer, avec l’argent des grands-parents !
Mais alors les inégalités pourraient se perpétuer, si les petits-fils sont doués ! Horreur ! Heureusement, nos penseurs ont songé à réduire les avantages fiscaux de l’assurance-vie, sans trop se demander qui achètera alors les bons du trésor français. On ne peut pas penser à tout, quand on veut tout égaliser.