Pas si vite : elle vit toujours, moins bien car plus attaquée avec tout ce que l’on dit d’elle et qui se passe autour de nous : Russie, Chine et même les élections américaines. La situation devient grave : la démocratie est-elle une anomalie de l’histoire, ou sa fin ? Plus précisément, est-elle un épisode, un essai, ou bien un achèvement, une apothéose, car il n’y a rien de mieux qu’elle ?
Partielle et temporaire à Athènes puis à Rome, on retrouve plus tard en Angleterre cette démocratie, bien changée. Plus forte dans ce grand pays, elle y reste jusqu’à présent sans Constitution écrite. Puis la voilà aux États-Unis, avec une Constitution écrite cette fois, assortie d’Amendements qu’on ne cesse de commenter, à un point tel qu’on cesse d’en ajouter ! Puis vient la France, où la démocratie se trouve prise entre une Déclaration des Droits de l’Homme, qui figure sur une seule affiche, et cinq Constitutions, qui prennent plusieurs pages. De plus, la dernière en date est entre de (complexes) retouches.
Dans le cas français, on n’admet pas facilement que notre Démocratie s’use, comme toutes. Plus que d’autres ? Regardons-nous : la première République, née ici après 1789, s’achève avec Napoléon, la Deuxième avec Louis-Napoléon, la Troisième avec Pétain, la Quatrième en 1958 : cruelle série ! Vient Charles de Gaulle — et certains craindront en lui un dictateur. Il amène la Cinquième et l’élection du Président au suffrage universel direct en 1962, ce qui bouleverse la hiérarchie des légitimités. Ceci sans oublier le Conseil Constitutionnel qui peut censurer le Parlement, pourtant expression du peuple. Vivrons-nous longtemps entre cette République-monarchique : un Président élu au suffrage universel direct et un système régi par le Conseil Constitutionnel, lointaine émanation de Droits de l’Homme intemporels ? Que vont devenir notre Vème Constitution et notre démocratie ?
Pas de surprise donc si, au milieu de guerres proches et de vives tensions politiques et sociales internes et externes, monte LA question, avant même la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron sur le (ou la) prochain(e) Président(e). Il, ou elle, devra diriger un pays qui a partagé sa souveraineté avec l’Europe pour ses lois, sa monnaie, ses frontières, en attendant ce qui arrivera à ses armes, entre les siennes, l’Europe et l’Otan. Nous sentons que le système qui nous régit est contradictoire. Il est le fruit d’une histoire multiforme : le besoin millénaire d’un chef, en même temps qu’il essaie de répondre, au mieux, à la complexité croissante du monde dans lequel nous nous ébrouons.
Ce que nous vivons montre les difficultés de nos organisations et de nos hiérarchies, face aussi à un climat qui change sans savoir où il nous mène, à des échanges mondialisés qui révèlent nos dépendances, à une révolution technologique qui crée des emplois mais en chamboule d’autres, avec des voisins plus menaçants et des alliés moins sûrs.
C’est au (à la) Président(e) qu’on demandera de tout arbitrer, donc de tout savoir ! A lui (à elle) de fixer le cap et d’apaiser les tensions de partage des richesses par les lois, les normes, les aides, entre subventions et impôts. Sans oublier les parcours de savoir avec Parcoursup, ceux des soins, les normes pour l’habitat, l’agriculture (et ses « prix plancher »), l’industrie, les services… Plus le temps passe, plus les codes s’épaississent, et plus on attend « en même temps » des solutions, simples, de la bouche présidentielle, pour les critiquer aussitôt. Tâche impossible, révélatrice de notre crainte du « régime des partis », autrement dit des partitions et de notre soif de solution, au singulier !
Faute de nouveaux Grands Hommes parfaits, on déboulonne les statues d’anciens fautifs. Faute d’innover, on déconstruit. Faute de valeurs universelles, on se sépare par genre, couleur, pays, lieu de naissance ou origine sociale. La cité se défait, avant de se battre par « cités ».
La démocratie s’affaiblit, quand explose ChatGPT. A chaque pas en avant, il y a tentation du retour sur soi. Make America Great Again: on a reconnu Donald Trump qui montre ce qu’il veut que sa Statue de la liberté éclaire — pas loin, et surtout pas jusqu’à Poutine. Alors, ici, pour sortir des incertitudes, en attendant le(la) chef(fe) omniscient(e), on lit la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Mais où sont ses Devoirs ? Simple : se battre pour ses Droits, donc pour la Liberté de chacun dans le monde actuel. Indispensable.