Déconfinement ou déconfinements?

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Le 11 mai prochain, nous pourrons sortir librement de chez nous. Le 11 mai ? Librement ? De chez nous ? Tous pareil ? Pas sûr.

 Déconfinement ou déconfinements?

Sortir le 11 mai ? Attention : pas de « petit matin », après le « grand soir » du confinement.
Evidemment, tout dépend des « courbes » de la pandémie du COVID-19. La France devrait avoir passé le pic de la crise, comme l’Allemagne, l’Espagne, peut-être l’Italie, pas forcément les États-Unis. Tout dépend du début du confinement pour chacun, des tests de dépistage et du suivi des règles, ici ou là. L’Allemagne paraît avoir mieux géré et suivi la pandémie, d’autres ont sans doute pris du retard et suivi plus ou moins les règles (France), règles plus ou moins homogènes (Italie ou Etats-Unis). Donc le 11 mai tiendra… si nous nous comportons comme il faut. Il faut toujours donner une borne : c’est la meilleure façon de ne pas trop la dépasser !

 
Sortir librement ? Ou avec tracking ?
Librement ? Non, car le virus est plus libre que nous ! Et il sait bien, lui, que nul ne peut encore le tuer ! Faute de médicaments éprouvés et moins encore de vaccin, il restera tapi sur un porteur sain, chez un malade guéri, sur un ami déconfiné mais non testé, venu d’ailleurs. Il va pouvoir enfin, lui, se déconfiner ! C’est bien pourquoi on nous demande de mettre une application dans notre portable. Elle dira où nous allons et si nous fréquentons des malades potentiels. Horreur, disent les amis de la liberté au point d’en mourir : nous ne voulons pas de cette machine qui peut nous suivre et nous dénoncer ! Les pays d’Asie, pas seulement la Chine, mais aussi la Corée ou le Japon n’ont pas eu de telles réactions. Ils en vivent mieux, en tout cas vivent. Confucius ou Stuart-Mill ? La liberté est une chose précieuse qui dépend bien plus de la qualité des systèmes de soin et de l’éthique comportementale de chacun que de la peur du portable espion. Acceptons donc de télécharger l’application. Nous verrons ensuite comment améliorer le système de vigilance internationale sur les pandémies et nos structures de soins.

 
Sortir de chez nous ? Pour aller où ?
Dans le grand magasin, dans la galerie marchande, dans une foire, aux Puces, au match de foot, au concert de rock ? Sans doute pas. Pendant plusieurs semaines au moins va peser une double inquiétude : sur le virus bien sûr, qui fera changer nos comportements de consommation en mettant plus l’accent sur des achats plus proches (petits supermarchés) et plus directs (sites de vente directe ou Amazone), sur nos rapports « aux autres ». Attendons-nous à une forte croissance des consommations « disruptives ». On les avait déjà vues en marche depuis des mois, au détriment des structures de ventes en dur, avec des coûts fixes élevés. On mesure déjà les effets économiques et sociaux d’une pareille accélération. Il sera impossible de l’arrêter.

 
Sortir pareil qu’avant ?
Non : rien ne sera tout à fait pareil. Nous sommes habitués à moins bouger : difficile de penser que nous allons autant voyager, du moins pendant un ou deux ans, le temps que les inquiétudes s’apaisent. Nous recevons gratuitement des visites de villes, musées, des pièces, des opéras… Une belle part du monde vient à nous, avec des nouvelles, des analyses… Acheter maintenant ? Confinés, nous consommons moins, notamment parce que pour beaucoup les revenus ont baissé (chômage partiel), sinon disparu (le restaurant est fermé) et que, pour tous, l’inquiétude va peser sur la croissance, avec l’emploi en berne, la dette qui explose, les impôts qui menacent. Le risque n’est donc pas inflationniste mais déflationniste, avec la récession. Il faudra du temps pour que l’emploi et la croissance reviennent, après des réorganisations et simplifications massives. Et produire à proximité, qui voudra et pourra en payer le prix ?

 
Sortir aguerris ?
Pas notre faute ? En partie : ce que nous vivons n’est pas une crise militaire, financière (subprimes américains de 2007) ou budgétaire (dettes grecques, portugaises et espagnoles de 2012). Tout défaire ? Non : des biens et services moins chers nous arrivent et sortent de pauvreté ceux qui les font, mais avec des risques. Ce sont ceux d’une dépendance sans réflexion, sans contrôle et système de surveillance et d’échanges d’informations entre alliés. A nous de retisser des liens sûrs, avec de bonnes vigies. Et de ne pas oublier que « le pire » arrive tous les trente ans, jamais le même. Le confinement est fait pour réfléchir au bon déconfinement, dans ce plus petit monde.