Dans un an, les États-Unis. Et nous ?

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 Dans un an, les États-Unis. Et nous ?

Mardi 5 novembre 2024, dans onze mois, auront lieu les élections américaines pour choisir le futur président et le vice-président des quatre ans suivants ainsi que renouveler le tiers du Sénat. Cette date est très importante : la démocratie américaine glisse, depuis des années, sur une pente dangereuse qui la menace, et nous avec. Il s’agit non seulement de la montée des violences urbaines, mais plus profondément du creusement de ses divisions internes, au point de menacer le tissu social.

Les débats sur les réseaux sociaux y sont d’une extrême violence, que l’on retrouve dans les écoles ou dans les universités. Il y a, d’un côté, les lieux où l’on met Darwin en doute, le monde ayant été créé en une semaine selon la Bible (ce serait un fait, non une métaphore), et d’un autre, ceux où grec et latin sont bannis, puisque l’esclavage était pratiqué dans les cités où ils se parlaient. Nul ne sait où s’arrêtera cette dérive obscurantiste qui aborde sur nos côtes, sous les noms de fake news ou de wokisme selon l’angle considéré. Surtout, comme la perte des repères et des normes morales vient toujours d’en haut, il faut regarder ce qui se passe à la Maison Blanche et au Capitole. On sait que le président actuel, Joseph Robinette Biden, 81 ans le 20 novembre, inquiète du fait de son âge. En face, Donald Trump, 77 ans « seulement », conteste la victoire de son successeur et fait de sa revanche l’essentiel de son programme.

L’affaire est d’importance, au-delà d’un combat à mort entre actuel et futur octogénaires. La Chambre des représentants, à majorité républicaine, menace de bloquer le budget si l’administration Biden ne fait pas des coupes sociales, ni ne réduit les dépenses militaires en faveur de l’Ukraine. Il ne s’agit pas seulement de fermer les musées et mener un bras de fer symbolique sous le regard de Donald Trump : ce sont les marchés financiers et les leaders mondiaux qui observent. Ces marchés financiers, bien au courant de la montée de la dette américaine pour la bonne raison qu’ils la vendent, sont inquiets de voir que la menace de dédollarisation, normalement antiaméricaine, est alimentée par les élus américains eux-mêmes, au risque de faire tout imploser. L’affaire est bien plus grave qu’un chantage enfantin au refus de payer : l’immaturité n’a pas de limites. Pire est encore le cas ukrainien : si les dollars manquent à ce pays, les munitions manqueront bientôt. Le risque d’une victoire russo-chinoise déstabilisera alors l’Europe, puis une part de l’Afrique, comme on le voit au Sahel.

En fait, et plus profondément, on peut se demander quelles sont les forces qui traversent actuellement les démocraties. Ce régime est-il usé, balloté, instable, incapable de gérer de grands nombres de citoyens, des cas complexes ou difficiles à court et à moyen terme, où il s’agit d’atteindre ensuite, mais plus tard, une situation meilleure ? La démocratie sait-elle absorber la révolution technologique actuelle, celle où il ne s’agit pas tant d’ouvrir des formations et des usines que d’en fermer beaucoup ? La démocratie est-elle intrinsèquement dépensière, surtout aujourd’hui où il faut faire les bons choix ? La démocratie a-t-elle fait son temps, somme toute bref et confus, à l’échelle de l’histoire ?

En face, ceux qu’on nomme poliment « régimes illibéraux » vantent leur stabilité par rapport à l’instable démocratie, bavarde, brouillonne, libre. Leur modèle est devenu Lénine, où les « bolchéviques », majoritaires autoproclamés, prennent tout le pouvoir, et le gardent. Bien sûr ils connaîtront des révolutions de palais, dites purges, violentes et complètes, mais ce seront une brève discontinuité, avant d’aborder la continuité suivante.

Ce qui est surprenant, c’est que les marchés financiers qui regardent si peu le futur se soucient quand même, et beaucoup, de leur liberté de manœuvre et d’information. Ils cherchent à entrer où ils veulent, mais à la condition expresse de pouvoir sortir. Pour eux, la stabilité est un risque, mais parce qu’elle croit précisément supprimer le risque ! Il suffirait d’investir dans le sens voulu par les autorités. Tout le monde suivrait : viennent les bulles, dans le logement (comme en Chine) et ailleurs. Certes, il y a des bulles en démocratie, mais avouées plus tôt donc moins graves.

Que va-t-il se passer ? Les marchés attendent une baisse des taux. Lutter contre l’inflation, c’est sauver la démocratie ? Défendre les valeurs ou les valeurs boursières ? On en est là ?