covid-19 : quels gagnants, quels perdants ?

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 covid-19 : quels gagnants, quels perdants ?

« Le malheur des uns fait le bonheur des autres », eh bien non !

L’idée est très ancienne mais très fausse : celle d’une compensation, d’un équilibre, voire d’une justice entre les hommes. Elle se cache derrière cet étrange verbe : « fait », qui n’explique rien de son fonctionnement. Certes, un orage peut gâter le semis d’un agriculteur ici et profiter au pré du voisin là, mais la nature n’a pas, par définition, d’intention mauvaise ici et bonne là. Elle ne « fait » rien. Et on ne sait pas si celui qui vient de semer a assez suivi la météo. Surtout, il peut se relever s’il « fait », et intelligemment. Et celui qui aura davantage d’herbe grâce à la pluie, pourra en profiter pour accroître son cheptel, mais seulement s’il investit, s’endette, prend des risques. Pour lui aussi, tout dépend de ce qu’il « fait». Rien n’est « naturel », car rien ne va sans décision.

 

On le voit avec la pandémie du COVID-19 : le malheur des uns est aussi le malheur des autres.

C’est une catastrophe humaine, avec (officiellement) 570 000 morts pour 12 millions de cas, mais pas que cela, car l’impact du virus dépend de ce que chacun « fait ». La pandémie est une catastrophe économique, avec une baisse de 5% du PIB mondial, presque rattrapée en 2021 selon les prévisions. Mais ce chiffre est abstrait. En effet, la pandémie ne frappe pas partout pareil ni, surtout, ne fait réagir pareil. Les pays les plus avancés, comme les États-Unis, donnent le sentiment d’avoir du mal à se relever : -8% de croissance en 2020, +4,5% en 2021, tandis que la Chine ne fait que décélérer à 1% en 2020, pour remonter à +8,2% ! Les pays peuplés et pauvres vont beaucoup souffrir comme l’Afrique du Sud (-8%, +3,5% aux mêmes dates), les pays grands et très inégalitaires comme le Brésil (-9,1%, +3,6%) plus encore. Et que dire des pays d’Afrique, de l’Inde et de l’Indonésie, de ceux en guerre ? La France a subi un choc et remonte lentement : -12,5%, +7,3% nous dit le FMI. Que va-t-elle « faire » : s’unir ou se déchirer ?

 

Le niveau de malheur qu’amène la pandémie dépend de la situation sociale du pays

Les États-Unis sont, avec 3,3 millions de cas, les plus touchés. Mais ils ne peuvent prétendre avoir été pris par surprise, même s’ils peuvent dire que la Chine a caché le problème pendant quinze jours. Nombre de pays européens, Italie en premier, ont montré ce qui arrivait. Et aux États-Unis, les universités ont suivi et formalisé l’évolution du nombre de malades, les marchés financiers se sont inquiétés, la Banque Centrale a assuré qu’elle serait là, les soutiens budgétaires se comptaient par trillions et tous les labos cherchaient à tuer le virus. Ce qui s’est passé dans le malheur américain est surtout… américain, avec un choc social qui a frappé en un mois des populations fragiles, noires et hispaniques surtout, qui venaient de sortir d’un chômage de longue durée. Ce choc a été amplifié par un Président Trump refusant de prendre en compte le danger, puis de le prendre en charge, pour guider le pays. C’est parce que la pandémie a révélé et avivé des fractures sociales et communautaires, qu’elle est plus virulente qu’ailleurs.

Au contraire, la crainte de la division et du chaos a conduit l’Europe à prendre des mesures financières et économiques importantes, mais plus encore à fort contenu politique et symbolique. Ce sont des dons des uns aux autres, en fonction de leurs malheurs relatifs. L’Europe a décidé de réduire ses écarts et divisions, et va mieux.

 

Est-ce qu’il faut parler d’un bonheur chinois, au détriment des autres ?

Non : d’intelligence chinoise dans sa stratégie d’encerclement des pays industrialisés et de rapprochement avec les émergents. La Chine ne s’est pas effondrée comme l’URSS, ni adoucie pour chercher aides et soutiens, mais durcie. Durcie par des quarantaines musclées, à Hong-Kong, en mer de Chine et au Tibet, pour bien montrer que le Parti et Xi Jinping restaient aux manettes. Elle continue d’avancer : Afrique, Moyen Orient, Europe. Elle devient plus multilatérale aussi, pour gérer, sur le modèle du Club de Paris, les crédits qu’elle a faits à des pays des « routes de la soie » en crise et, quand d’autres partent, se renforce dans l’Organisation Mondiale de la Santé.

 

Alors, le malheur annoncé pour la Chine « fait » celui des États-Unis ?

Même pas : il a bien montré ce que désormais « font » et « feront » les États-Unis et la Chine. Donc ce que l’Europe, si elle veut exister entre eux deux, se doit de « faire ».