CORONAVIRUS, LES ENSEIGNEMENTS DES GRECS DANS LA GUERRE ECONOMIQUE

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Les économistes ne sont pas dépourvus face à une catastrophe. Voici leurs outils, venus des Grecs.

 CORONAVIRUS, LES ENSEIGNEMENTS DES GRECS DANS LA GUERRE ECONOMIQUE

 

Cassandre : comme toujours, il y a ceux qui avaient dit que cette mondialisation finirait mal, que des pandémies allaient venir, que des « cygnes noirs », oiseaux rares annonciateurs de catastrophes, allaient bientôt arriver ici. On ne les a pas écoutés, lus, suivis, et ils se plaignent : comme toujours. Cassandre n’était jamais crue, alors qu’elle avait le don de prédire l’avenir, ainsi l’avaient voulu les dieux ! Mais au moins, écouter ceux qui nous annoncent une chute en piqué, sans dire de combien et pendant combien de temps, nous fait rester chez nous !

 

Clio, muse de l’histoire : il s’agit de comparer les drames, pour relativiser. La grippe espagnole a fait baisser le PIB britannique de 7,9% en 1919, 5,8% en 1920, 9,7% en 1921, un cumul de 21,6% avant un rebond de 5,3% en 1922. La crise de 29 fera baisser le PIB des grandes économies de 30% environ et celle des subprimes de 2007-2008 de 10%. Pour la France, Bruno Le Maire s’attend à une perte de 10%, autant que les subprimes, trois fois moins que 29. Nous verrons, car, aux États-Unis, un des responsables de la Banque centrale (James Bullard) vient d’annoncer que le PIB pourrait baisser de moitié (!) au deuxième trimestre, avec un taux de chômage à 30%.

 

Source : OMS

Il s’agit donc de voir la forme de tout ceci. Les marchés financiers regardent les courbes. Ils savent que le début est exponentiel, puis la vitesse de propagation diminue, puis il n’y a plus de nouveaux cas. Ceci peut vouloir dire que les quarantaines et/ou les soins ont eu raison du virus, mais on ne sait jamais. C’est pourquoi un temps de précaution sera indispensable, avant de repartir.

 

Euclide, le mathématicien-modélisateur nous aide. Il nous faut des chiffres, pas seulement des courbes. Les modèles sont des représentations mathématiques des économies, nationales, internationales. Etalonnés sur le passé, on leur demande de figurer le futur proche, en supposant qu’il ne s’éloigne pas trop des relations antérieures. Par construction donc, si on leur demande d’intégrer un choc, on leur fait violence. Pour les États-Unis, certains « donnent » une perte de 8% du PIB en 2020, surtout au deuxième trimestre avec remontée en fin d’année et reprise en 2021, ce qui laisserait quand même sur deux ans une baisse de 2%. Mais ce sera pire. Le chômage va augmenter : arrêt des embauches et licenciements (freinés en France, pas aux États-Unis). La forme que donnent les modélisations est celle d’un U, toujours plus amortie que les dessins et enquêtes d’opinion : les modèles ne savent pas « plonger ». Les marchés financiers, oui.

 

Avec Hippocrate vient le calmant budgétaire, qui agit immédiatement. Moins d’activité et plus de chômeurs, le déficit se creuse. Il faut alors prévoir et annoncer des aides aux secteurs en difficulté, des prolongations des indemnités pour les chômeurs, des crédits pour les hôpitaux et surtout : des chiffres « énormes », à la fois pour ne pas se trouver dépassés si la crise s’aggrave et pour ne pas inquiéter davantage les entreprises et surtout les ménages sur des aides perçues comme trop faibles. Autrement, les premiers investiront et embaucheront moins, les seconds consommeront moins, et la spirale de la crise s’autoalimentera.

Le calmant monétaire escorte celui du budget. Il faut baisser les taux d’intérêt à zéro ou moins, pour pousser à dépenser, financer les banques à zéro ou moins, pour qu’elles fassent des crédits et au moins ne les serrent pas. Les banques centrales vont acheter des bons du trésor et des obligations d’entreprises et faire baisser les taux, permettant ainsi aux entreprises et aux États de se financer. Bien sûr, il faut relâcher aussi les normes prudentielles bancaires. En même temps, le calmant budgétaire renforce le monétaire, l’État garantissant des crédits. Avec la monnaie, il n’y a pas de « dose prescrite » !

 

Socrate, surtout, donne le calmant de la raison et des mots. La parole des chefs, d’équipe, de chantier, d’entreprise, d’État est centrale pour décrire la voie de sortie. Toutes les économies se reprennent si on fait et dit ce qu’il faut. Tout le monde comprend qu’il faudra renforcer et moderniser nos systèmes de santé, revoir nos systèmes de production. La liste  de « l’après » sera longue, mais il ne sert à rien de se lancer dans un concours de bonnes résolutions : guérissons d’abord, en polarisant les anticipations sur la remontée. Le meilleur outil économique, c’est la parole juste et convaincante !