Chômage des jeunes : le trio infernal français

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 Chômage des jeunes : le trio infernal français

Dans les pays industrialisés, le taux de chômage des jeunes est élevé.

Les chiffres sont là : en France, 20,8% des jeunes entre 15 et 24 ans sans emploi et qui en cherchent activement un, n’en trouvent pas. Les cas les plus graves se trouvent en Espagne, avec un taux de 34,4%, puis en Italie (32,2%). Les taux sont moindres, mais élevés, aux Pays-Bas (7,3%) et en Allemagne (6,2%). Hors zone euro, ils restent préoccupants au Royaume-Uni (11,6%) et aux États-Unis (8,6%). Ce taux n’est faible qu’au Japon (3,7%).

 

Pire, dans tous ces pays, que le taux de chômage total soit bas ou haut, celui des jeunes est le double.

En France, c’est 20,8% pour les jeunes contre 8,8 pour l’ensemble, 34,4 en Espagne contre 14,5, en Allemagne 6,2 contre 3,3, 8,6 contre 3,8 aux Etats-Unis. Et si l’on va vers les extrêmes, le taux de chômage est triple pour les jeunes en Italie (32,2 contre 10,5) et au Royaume-Uni  (11,6 contre 3,9).

 

Mais en France, c’est le trio infernal : chômage élevé pour tous, plus du double pour les jeunes et résistant aux mesures destinées à le réduire, malgré l’amélioration économique. Pourquoi ?

Parce qu’il viendrait d’un autre trio infernal : révolution technologique, rigidités de l’emploi et faiblesse des marges, poids persistant de la crise financière de 2008 ? Les jeunes souffrent-ils plus ici du fait d’Internet, d’une économie qui ne se remet pas des subprimes et d’une société qui ne les accepte pas ?

 

D’abord, la révolution technologique bouleverse le travail de ceux qui en ont un.

Vient la bipolarisation, entre « formés ou adaptables aux nouvelles technologies » et « pas formés ». Les premiers gardent leur emploi, voire augmentent leurs salaires, les seconds ont les salaires les plus faibles, menacés par les rationalisations et les innovations. Suit la « prolongation ». Elle touche les « peu ou moyennement formés », souvent quadras ou quinquas. Ils essaient d’élargir leurs activités, pour se protéger, en fait pour « durer ». Ils ne revendiquent pas plus de salaire, mais plus de formation. C’est d’ailleurs pourquoi, aux États-Unis, en Allemagne et au Japon, coexistent plein emploi et faibles hausses des salaires et des prix : la révolution technologique casse la continuité des carrières et des salaires. Avec la « bipolarisation » et la « prolongation » des activités, « le marché du travail interne aux entreprises » n’est plus le même. C’est lui qui dirige ce qu’on nomme « le marché du travail », qui est en fait « le marché externe aux entreprises ». Ce qui se passe en leur sein : innovation, concurrence, nouvelles technologies, rigidités, notamment dans les services, dicte l’embauche.

 

Ensuite, cette révolution technologique rend plus sélectives les entrées des jeunes dans l’emploi.

Pas de problème pour les compétences élevées, l’entreprise les cherche. Pour les compétences moyennes, elle « se protège » : l’embauche sera difficile. Et elle « se ferme » à ceux qui n’ont pas de compétences, avec emplois précaires et mal payés. Quelques jeunes deviennent « in » (dans l’emploi), et bien payés, s’ils « savent beaucoup », moyennement payés « s’ils savent », mais peu seront embauchés, et mal payés, « s’ils ne savent pas ». Donc beaucoup restent « out », tant garçons que filles désormais. Le taux de chômage des filles de 15 à 24 ans, moitié plus élevé en 1975 que celui des garçons (8,5% contre 5,5%) s’égalise, mais par le haut : 20% pour les garçons, 21,4% pour les filles. Les filles se lancent plus vers l’emploi, avec les mêmes problèmes que les garçons.

 

Enfin, le poids de la crise freine ici les embauches, notamment dans les PME et les services.

Les salaires minima sont une marche élevée à l’entrée. Ils amplifient les hausses ultérieures, demandant plus de productivité. Le climat de l’emploi se dégrade : l’idée d’une croissance politiquement agitée se répand. Pourtant, 13% des industries disent que l’embauche limite leur production, 19% des services, 40% dans la construction. Les entrepreneurs font état de besoins de main-d’œuvre peu qualifiée et non remplis : cuisines, bâtiment, services à la personne. Embauchés, nombre de jeunes ne resteront pas longtemps dans ces emplois qu’ils peuvent juger ingrats, d’autres préfèreront le chômage ou des alternances emploi-chômage.

 

Le chômage des jeunes en France reflète ce monde et ce que nous sommes. Rien de possible sans formation et compréhension de et dans l’entreprise, avec plus de marge ! On n’en sortira pas sans quelques vérités.