Chinois, russe, ottoman, perse : de nouveaux verrous pour les anciens Empires

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 Chinois, russe, ottoman, perse : de nouveaux verrous pour les anciens Empires

Djibouti pour la Chine, Kertch et Kaliningrad pour la Russie, Beyrouth pour l’Iran, Chypre pour la Turquie : les anciens Empires veulent ressusciter. Ils créent ou renforcent des verrous, pour se protéger ou empêcher les autres d’avancer. Il s’agit de surveiller les détroits, les entrées des canaux, les routes du pétrole… Ils veulent se refaire, ces anciens empires que deux guerres mondiales ont mis à bas ou affaibli. La Première sonne la fin des Empires russe, austro-hongrois et ottoman. La deuxième marque le reflux des Empires anglais, hollandais, belge et français. Ils seront compensés, pour le Royaume Uni, par le Commonwealth et un « lien spécial » avec les États-Unis et, pour les autres, par l’Union européenne (… et la Françafrique) : est-ce assez ? Ceux de la Première vont-ils revenir ?

Sursaut presque animal des anciens Empires et déclin des États-Unis : les deux raisons des nouveaux verrous.Sursaut d’abord, chez ces anciens Empires traumatisés et qui veulent renaître. Il ne s’agit plus pour eux d’imposer leur volonté, mais au moins d’inquiéter, de peser, freiner, voire d’empêcher « les autres » d’avancer. Crise des États-Unis ensuite, qui cherchent à « optimiser le coût de leur hégémonie », donc à le diminuer. Leur « pivot américain vers l’Asie », pour « contenir » l’empire chinois a poussé la Russie à profiter de cet éloignement pour ravauder l’URSS en Europe, avant de retrouver l’espace de Catherine II. En même temps, l’arme nucléaire se répand, dépassée par des armes hypersoniques, tandis que se développent cyberguerres et guerres hybrides (comme en Biélorussie, où des réfugiés afghans, « aidés » par l’armée, tentent d’entrer en Pologne, pour la déstabiliser), sans oublier l’expertise turque dans les drones. La course aux armements ne passe plus seulement par les milliards de dollars : les verrous changent.

Djibouti : c’est en 2017 que la Chine y ouvre une base militaire, sa première à l’étranger. Elle escorte ainsi son expansion économique, après avoir transformé les rochers au large de ses côtes en redoutables bases militaires : « la mer de Chine » mérite désormais son nom. Cette base à Djibouti, navale puis aéroportuaire, s’installe face à une des principales voies maritimes mondiales. Elle n’y est pas seule : la France s’y trouve depuis l’indépendance de Djibouti en 1977, aux côtés des Etats-Unis surtout, mais aussi du Japon, de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne. Sept présences militaires dans cet État-garnisons : chacun surveille l’autre.

Détroit de Kertch : il verrouille la mer d’Azov, au détriment de l’Ukraine. C’est une histoire qui remonte à… 1654. Le Traité de Pereïaslav, signé alors, unit l’Ukraine, inquiète de la Pologne, à la Russie, qui la dominera plus tard ! En 1954, à l’occasion du tricentenaire du traité, Nikita Khrouchtchev transfère la Crimée à l’Ukraine : un cadeau, mais au sein de l’Union soviétique d’alors ! Cependant, en 1991, quand l’Ukraine proclame son indépendance elle y inclut la Crimée et la Fédération de Russie proteste. On connaît la suite : Poutine envahit la Crimée en 2014, ce qui lui « rend » Sébastopol, et la relie par un immense pont à la Russie, verrouillant le détroit de Kertch. Pourquoi « verrouillant » ? Parce que le pont est immense : 19 kilomètres, mais bas. « Malheureusement », il ne permet pas aux grands bateaux de passer dessous ! Ajoutons le Donbass et la dépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe : les verrous s’ajoutent. Jusqu’à quand ?

Kaliningrad : c’est une terre russe, en plein milieu de l’Union européenne, depuis l’adhésion de la Lituanie à l’Union ! Kaliningrad sépare la Pologne de la Lituanie : quel hasard ! La Russie est ainsi présente dans l’Union, avec un grand port, notamment militaire, un espace très armé, avec des ogives nucléaires. Ce très ancien territoire allemand « donné » en 1946 à la Russie, en compensation de ses pertes et destructions, est ainsi devenu un verrou qui permettrait à la Russie (qui sait ?) de séparer l’Union européenne des trois pays baltes.

Beyrouth pour l’Iran, Chypre pour la Turquie. Inimaginable, le Hezbollah, d’obédience iranienne, est aujourd’hui le principal parti libanais, avec vue sur la Méditerranée. En occupant en 1974 une part de Chypre, la Turquie en contrôle aussi un peu, en attendant plus.

Quand l’Empire américain « économise », les anciens empires installent ou rénovent des verrous, pour montrer qu’au moins, ils peuvent nuire.