Chine-France : signer un accord, ou attendre encore ?

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 Chine-France : signer un accord, ou attendre encore ?

Voici 55 ans que France et Chine ont des relations diplomatiques, une initiative du général de Gaulle peu appréciée à l’époque par Washington. A-t-on conservé cette longueur d’avance, avec cette économie devenue la deuxième du monde, vingt et une fois plus grosse que nous par le PIB ? Sait-t-on bien qu’elle nous propose toujours d’avancer avec elle ? Peut-on refuser – et pourquoi, s’interroger – et sur quoi, ou plutôt s’en rapprocher, en faisant attention et dans des domaines déterminés ? Avons-nous peur d’être espionnés, achetés, dilués, absorbés ? Alors attendons encore, quand nous n’aurons plus grand chose à offrir dans des échanges mutuellement avantageux et quand tous nos voisins auront signé. Bientôt.

Avril à Pékin : la Chine invite les responsables de plus de 100 pays pour progresser ensemble. Il faut y être. Fin août à Biarritz : la France réunit les chefs d’états et de gouvernement du G7, qu’elle préside cette année. Sujet, qu’elle a choisi : la lutte contre les inégalités. Peut-on le traiter sans parler de la Chine et des échanges internationaux ?

Avouons-le : nous ne sommes pas en avance dans nos relations économiques, financières, culturelles avec cette Chine qui, depuis quelques années, développe une stratégie mondiale d’accords avec de plus en plus de pays. Presque 70 aujourd’hui et 2000 accords dans ce que la Chine nommait au début : « les routes de la soie » et qui devient « l’initiative de la ceinture et de la route » (Belt and Road Initiative). C’est l’idée de Xi Jinping : relier par train, route et mer, les cinq grands pays émergents, les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, donc l’Europe, l’Asie, l’Afrique, plus quelques voies en Amérique latine.

Quelle accélération chez cette Chine millénaire ! Naissent en 2012, à Pékin et Shanghai, deux banques de financement et de développement. Avec la NDB, (New Development Bank), dite aussi : Banque des BRIC, le message au FMI (donc aux États-Unis) est clair. Son site indique, ou plutôt indiquait, car ces phrases ont laissé place à des objectifs moins politiques, que cette NDB est “an alternative to the existing US-dominated World Bank and International Monetary Fund”. Puis, avec l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank, Banque asiatique de développement pour les infrastructures), l’idée est de favoriser le développement autour de grands projets. Pour cela, cette banque dispose d’amples ressources pour les financer et amortir, si nécessaire, les à-coups de la conjoncture. Elle propose aussi à ses membres de régler dans leurs monnaies nationales leurs échanges internes, donc sans (trop) passer par le dollar : on ne sait jamais. 43 pays de la région et 23 en dehors sont là ! Bien sûr, la France est actionnaire, mais avec 3,2% des votes, comme l’Allemagne avec 4,2%, moins que la Russie (6,7%), l’Inde (7,7%) et bien sûr la Chine avec 26,8% des votes. Nous assistons donc aux réunions…

Ainsi, nous voyons avancer ce projet titanesque, à plus de vingt ans et plus de 1000 milliards de dollars. C’est la stratégie majeure de la Chine, existentielle. Et son risque, qui l’est tout autant. L’objectif affiché est de réduire de trois quarts les temps de transport entre les pays, de trouver des sources d’énergie plus stables et moins dépendantes du pétrole (du Moyen Orient) et de donner corps à l’Eurasie, de la Chine à… l’Allemagne ! Ces routes sont aujourd’hui le principal projet mondial pour relier les marchés, pas nécessairement aux Etats-Unis ! En même temps, il s’agit de connecter des lieux névralgiques pour surveiller ces nouvelles routes : pas naïf donc.

Peut-on rester à côté de cette recomposition du monde ? L’Italie s’engage au club. C’est le premier pays du G7 à le faire, sans en débattre avec les autres, ni avec l’Union européenne. Elle va déclencher des critiques, sachant que l’Europe n’est pas « hostile au concept, mais s’interroge ». Quel courage ! Le Royaume-Uni du Brexit va-t-il suivre ? Les États-Unis vont-ils alors alerter sur les risques de « trappe de la dette » et de dépendance, puis menacer ?

Et nous, avec 118 milliards d’euros d’investissements américains ici contre 11 venant de Chine et Hong Kong, allons-nous avoir peur ? Allons-nous mesurer les richesses que nous n’avons pas les moyens d’exploiter, nos savoir-faire sous-utilisés, notre image de luxe et de tourisme menacée, nos PME et start-ups en manque de ressources, nos zones maritimes désertes ? Allons-nous regarder, ou agir ?