Cet euro qui ne dit mot... consent à ce que les autres mènent leur politique industrielle de sortie de crise selon leurs intérêts.

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Cet euro consent à faire, en effet, ce que les autres grandes monnaies veulent qu'il fasse. Et ces autres monnaies ont des vues très claires sur ce qu'elles veulent. Le dollar veut baisser par rapport à la monnaie chinoise, qui elle ne veut pas trop monter. Au Japon, le Yen veut absolument baisser, pour raviver la croissance par l'exportation. Le Won coréen veut l'accompagner, puisqu'il est son grand concurrent industriel dans la région. La livre sterling s'est accrochée au dollar, sans trop le dire - pour ne pas trop souffrir dans sa longue phase d'ajustement, où elle est bien seule. Le Franc suisse s'est lié à l'euro, pour ne pas jouer "la monnaie asile du monde", une monnaie qui monterait au point de tuer son économie. Au total, le monde des baissiers réunit le dollar, le yen, le won, la livre, face au yuan qui freine. En face, l'euro et le franc suisse ! Car les efforts de stabilisation de la BC et son silence, plus l'étrange discours des politiques européens font monter l'euro. Est-ce bien nécessaire ?

Ainsi, Mario Draghi répète à sa conférence de presse, le 7 février, que le taux de change de l’euro n’est pas un objectif. Il ajoute qu’il est important pour la croissance et la stabilité des prix, et qu’il s’agira de voir si… une appréciation trop forte ne pèse pas trop sur la reprise attendue ! Nous voyons que ces propos datent : c’était le temps où l’euro montait, dans une zone en récession ! Pour la BCE, l’inquiétude officielle était alors une inflation devenue trop faible par rapport à son objectif, en liaison avec une croissance devenue franchement trop faible. On ne fait pas plus prudent. Et certains commentateurs en ont tiré la conclusion que la BCE allait changer en baissant les taux, et surtout en parlant plus nettement.

Mais non : la BCE est toujours dans son travail de réparation financière et bancaire. Elle se soucie de voir la liquidité revenir dans les banques. Et ce qui se passe avec Chypre, puis avec l’Italie… ne lui donne pas tort. Elle baissera les taux plus tard et ne prendra pas les mesures exceptionnelles des autres banques centrales. Elle ne le peut, du fait des Traités qui la lient. Dont acte. Ce sont donc les politiques qui doivent absolument parler – mais bien. C’est le patron de l’Eurogroupe qui doit donner un signal aux marchés… et non pas les inquiéter comme il l’a fait, à propos de Chypre, en tenant des propos sur la contribution des dépôts bancaires au sauvetage des banques, si nécessaire ! Il suffit de dire qu’il faut un euro stable, non inflationniste, et surtout compatible avec la reprise. Les marchés financiers auront compris.

Pendant ce temps, Ben Bernanke parle – lui. Et intelligemment, pour son camp bien sûr. Il vient de faire une conférence en estimant que le monde ne vivait pas une guerre des changes, et que les banques centrales faisaient tous leurs efforts pour soutenir la reprise économique. Toutes ?