Le Cac 40 ne fait pleurer personne, les PME parfois oui. Et pourtant le premier est bien aimable de rester ici et les PME vraiment courageuses de résister. Plus grave, comme les deux types d’entreprises ne vivent pas la même intensité de la crise, puisque les grandes entreprises vivent largement dans des économies en expansion, leurs capacités d’absorption des chocs ne sont pas les mêmes. Donc leurs rebonds vont être très différents, et les effets sur les rentrées fiscales plus différents encore. Qui s’en occupe ?
Côté CAC 40, les entreprises ont vu une hausse du chiffre d’affaires de 5% en 2012 (1307 milliards d’euros), un peu moins qu’en 2011 où la croissance était de 7% – mais quand même il y a eu progression. La part française de l’activité ne cesse de s’éroder : moins d’un tiers désormais, puisque la croissance vient des émergents et des Etats-Unis. Le profit n’avance plus, mais au moins il se maintient. Si le chiffre d’affaires gagne 64 milliards en 2012, la rentabilité brute ne progresse que d’un. Les multinationales d’origine française ont eu à payer des charges plus importantes et les actifs achetés cher dans les bonnes années passées, trop cher, ont dû être dépréciés. Alors, face à l’argent qui leur reste, elles se mettent à être plus prudentes : moins d’investissement, plus de trésorerie, et aussi plus de dividendes – pour dire aux actionnaires qu’on ne les oublie pas.
Les PME souffrent – et depuis longtemps : leur taux de marge baisse encore. Elles ne distribuent pas davantage de dividendes, avec l’idée d’envoyer, elles aussi, un message d’espoir aux actionnaires. Mais pourquoi donc ? Simplement parce qu’elles ne peuvent pas. La montée des frais d’exploitation, des salaires en premier lieu, réduisent leur marge… de liberté. Alors elles gardent de la trésorerie, elles réduisent leurs stocks, rognent sur leurs programmes d’embauche et d’investissement, demandent moins de crédit. Elles n’ont pas pu bénéficier de la baisse mondiale des taux longs, à la différence des grandes entreprises. Ce sera plus dur pour elles quand il faudra réinvestir, autrement dit se ré-endetter. Les grandes entreprises sont à la cape et ont fait leur moisson de taux bas pour les années qui viennent, les PME sont à la diète.
Donc leurs futurs ne seront pas les mêmes. Les entreprises du CAC 40 gagnent 60 % de leurs résultats à l’étranger – ce qui n’a rien à voir avec les PME françaises où la rentabilité est largement domestique. C’est pourquoi elle est si faible. Les ETI qui résistent et se détachent sont celles qui ont pu délocaliser une part de leur chaîne de valeur à l’Est, en Chine, au Mexique – à peu près aussi compétitif que la Chine désormais.
Pour l’avenir, si rien ne change dans la politique économique française avec une croissance autour de 1% en France et en zone euro en moyenne, les écarts vont se creuser. Le CAC 40 ira voir ailleurs ce qui se passe, et il en aura financièrement les moyens. Les PME vont réduire leur activité sur le territoire, et tenter autant que possible de délocaliser. Les emplois seront la variable d’ajustement.
Les politiques français ne comprennent pas et renforcent les différences entre CAC 40 et PME, mettant en risque toute leur stratégie fiscale. Comme la croissance est plus faible que prévu en France, elle procure moins de rentrées fiscales : le CAC 40 « optimise » et délocalise, les PME souffrent, les ménages gagnent moins et vont sur des produits à TVA plus faible. Alors, nos politiques décident quand même de taxer plus, pour compenser le manque fiscal. Mais c’est alors la croissance interne française qui doit encore payer : ménages et PME. Les multinationales iront, encore plus, voir ailleurs ce qui se passe. L’impôt tue l’impôt… à l’intérieur et pousse dehors ceux qui peuvent le payer.
Il faut arrêter cette dynamique folle : arrêt des hausses d’impôts et baisse des dépenses publiques sont obligatoires. Il faut empêcher que le CAC 40 ne parte, que les investissements extérieurs s’arrêtent et que les PME qui le peuvent délocalisent à tout prix. Le CICE n’est qu’un début : les 20 milliards de baisse de charges ne suffisent pas. Et les 300 millions de réduction de dépenses publiques que brandit l’exécutif pour 2014, sur un total de… 300 milliards, ne font même plus rire.
Le grand écart des entreprises peut nous faire tous tomber, surtout si on fait tout pour l’augmenter !