La Reine : Good Day Prime Minister. Dites-moi ce qui se prépare à Bruxelles et aux Communes selon vous ?
Theresa May : Good Day Your Majesty. Encore et toujours le Brexit.
LR : Ceci ne me surprend guère. J’en avais prévenu votre prédécesseur, lorsqu’il était venu m’annoncer son idée de Référendum. Il pensait que c’était la façon de tuer l’opposition, au sein de son parti !
TM : Il en est plus divisé aujourd’hui ! En plus, nous vivons un ralentissement économique et l’affaiblissement de la City.
LR : Les choses ne se passent jamais comme prévu.
TM : Vous avez raison, Majesté. Je m’attendais à des problèmes avec ces gens du continent, Allemands et Français en tête. Je savais que j’en aurai avec les Travaillistes. Mais jamais je n’aurais pensé recevoir surtout des attaques de ma majorité !
LR : Il faut toujours se méfier de ses proches, surtout s’ils veulent vous succéder. Je sais de quoi je parle… Heureusement, la Catalogne calme l’Ecosse.
TM : Vous avez entièrement raison, Majesté. Tout est toujours plus compliqué et surprenant… Ainsi je viens juste de parler d’argent pour payer « le divorce », sachant que j’en avais vaguement accepté le principe, il y a quelque temps. Les Européens voulaient au moins 60 milliards d’euros, pour me coincer. J’ai dit au tout début que j’accepterai 20 milliards, pour me rétracter aussitôt après, devant le tollé anglais, spontané bien sûr. Il fallait que mon effort et mon risque politique fussent valorisés, ce qui me permettrait ensuite de mieux discuter des délais et des conditions. C’est maintenant ! En plus, il faut que nous trouvions une solution pour la frontière avec l’Irlande, pas en dur, mais qui en soit une !
LR : Je confesse que je ne comprends pas bien : nous cédons quand même sur tout !
TM : Ce sont des leurres, Majesté ! Jamais la frontière entre les deux Irlande ne sera étanche ! Et nous paierons le divorce sur des années. Aujourd’hui, je souhaite qu’ils mesurent nos efforts pour être plus doux quand il s’agira de discuter de l’essentiel : nos échanges avec le grand marché unique européen.
LR : Pensez-vous qu’ils vont se laisser abuser ?
TM : Jusqu’à présent notre jeu fonctionne, avec en plus ce fou de Boris Johnson et ce Trotskyste de Corbyn qui les effraient. Et les Européens ont intérêt à un accord !
LR : Vous savez, Prime Minister, que je ne suis pas censée m’occuper de ceci du fait de la Constitution, mais si je puis aider le Royaume, indirectement s’entend…
TM : Un immense merci, Majesté. Je comprends et vous dirai que ce qu’ils craignent, c’est…
LR : C’est… ?
TM : Un super-Singapour, très souple, libre, ouvert aux capitaux étrangers et aux super-riches, devant chez eux, avec les produits high tech chinois ou communs vietnamiens, cambodgiens ou autres… sans taxe. C’est le projet de Boris Johnson !
LR : Mais le peuple a voulu le contraire, en votant pour le Brexit ! Il veut plus de protection, avec moins d’ouverture et surtout moins d’immigration ! Sa réaction pourrait être violente.
TM : Je sais bien Majesté, mais c’est notre menace, Singapour, la seule qui détruira l’Union européenne de l’intérieur, en défaisant le marché unique.
LR : Donc vous pensez que, pour l’éviter, ils seront « compréhensifs » pour les règles, les normes, la frontière irlandaise et les délais de paiement du bill… Mais après, nous aurons moins de croissance ?
TM : Après, oui. Puis… nous discutons avec Singapour et la Chine, pour diminuer nos taxes d’importations ! Il n’y a rien à espérer des Etats-Unis de Donald Trump, contrairement à ce que je pensais. Nous devons larguer les amarres et voguer vers l’Asie !
LR : Mais notre culture et le Royaume sont en danger !
TM : D’abord, nous n’avons pas le choix. Ensuite, la Chine et Singapour comprendront et nous traiteront très bien. Enfin, c’est la seule façon de gagner, en affaiblissant l’Allemagne !
LR : Mais l’euro et la zone euro vont sauter !
TM : Je les tue, en nous sauvant !
LR : C’est shakespearien.
TM : Etre Prime Minister, ou ne pas être ! C’est un retournement complet de situation, sachant qu’il faudra l’expliquer aux électeurs, qui adoreront.
LR : Et sachant qu’Hamlet ajoute : « il faut que je sois cruel, rien que pour être humain ».
TM : Nous dirons que la zone euro paye ce qu’elle nous fait payer et que nous évitons son effondrement programmé. La Livre demeure ! Je mesure, Majesté, à quel point tout ceci est confidentiel.
LR : Comme disait Shakespeare : « deux personnes, hormis une, peuvent garder un secret » !