Brigitte Macron est l’épouse du Président. La tweetocratie est un système de pouvoir (du grec : cratie) qui fonctionne à partir d’une petite machine électronique qui envoie un gazouillis (de l’anglais : tweet) de 140 caractères au maximum et qui peut l’emporter sur tous les autres moyens d’expression. Quel rapport entre les deux ? Exemplaire.
Ce gazouillis, souvent violent, circule très vite. Il informe ou désinforme à la vitesse de l’électricité. La tweetocratie forme des groupes de pression qui peuvent prendre appui sur des mouvements politiques, philosophiques, religieux… ou sur des réactions affectives face à tel ou tel événement (succès sportif, scandale, attentat…), avec des formes et effets très difficiles à cerner.
La tweetocratie est imprévisible, parfois spontanée, jamais désintéressée. Elle naît à partir d’un phénomène majeur (élection, référendum), « populaire » (chanson, film), d’un choix politique (pour ou contre l’ISF), social, voire anecdotique. Bref, elle peut venir de partout.
La tweetocratie ne fonctionne pas par analyse, discussion et vote à un moment donné selon des critères établis dans nos démocraties, mais uniquement par propagation. Elle est virale (du latin virus : poison), relayée par d’autres tweets et, au moins autant, par les médias classiques. C’est bien pourquoi il faut surveiller ses sources : partis, mouvements d’idées, phénomènes sociaux multiples, en prêtant un accent particulier à leur radicalité plus qu’à leur poids « objectif » ou « démocratique », notamment le nombre d’adhérents. Ce n’est pas le nombre de convaincus qui importe, c’est souvent l’étrangeté de la proposition, son caractère provocateur, voire populiste. Et c’est alors la vitesse de propagation qui va animer la tweetosphère et fera naître le tweet gagnant, parfois humoristique, pas toujours, parfois moral, pas toujours.
C’est là le danger de la tweetocratie : sa logique virale fait qu’un tweet ne peut être vaincu que par plus viral que lui, souvent plus extrême, pas nécessairement plus vrai. La tweetocratie n’est pas une orthocratie (pouvoir du droit), une démocratie (pouvoir du peuple), ploutocratie (des riches), une aristocratie (des meilleurs), une cacocratie (des plus mauvais) ! Ce n’est pas non plus le pouvoir de la populace (ochlocratie), de la pensée dominante (doxocratie) ou de la technoenacratie ! C’est le pouvoir d’une part de la médiacratie (médias) pris par les plus jeunes, agiles, branchés, provocateurs. C’est le meilleur, ou pas.
Brigitte Macron… enfin ! Avec le statut de « première dame », l’idée est bonne : il faut que l’épouse (la compagne, le compagnon…) du Président (de la Présidente) ait les moyens de tenir son rôle social (courrier, demandes…) et au moins autant symbolique de manière digne, efficace et transparente. Mais la tweetosphère s’en mêle, contre. Les arguments défilent. D’abord, « ça coûte », sans se soucier du fait que les besoins exprimés (deux personnes) sont les plus faibles de toutes les structures antérieures : la transparence mène toujours à l’économie. Ensuite, « c’est un emploi familial », comme si « femme de Président » de la République était équivalent à « femme de député » et payée !
Mais la machine s’emballe. Les médias relaient les nombres de « votants » (seulement contre, bien sûr) : 120 000, puis 200 000, puis 300 000. La bataille est gagnée : il n’y a pas eu de campagne pro-statut, personne ne s’y est aventuré. Donc une « charte de transparence » suffira. Bien sûr, on aurait pu (dû) y penser plus tôt ! L’essentiel est en effet de donner les moyens qu’il faut au couple qui nous représente pour recevoir aussi des informations qui n’empruntent pas les multiples canaux habituels. La « première dame » est une composante de l’expression démocratique, sans doute celle des plus humbles.
A l’avenir, il faudra toujours penser d’abord tweet et tweetocratie : que peut-il se passer à la suite de tel projet ou décision ? Ceci vaut-il le coup ? Comment préparer la campagne ? Réagir ? Car rien ne serait plus grave qu’une tweetocratie qui empêche toute initiative, incarne le populisme, voire de « bons sentiments ». Et rien de plus dangereux que de l’interdire et d’en faire une victime.
Imaginez, un certain 18 juin 1940, un général qui demande à la tweetosphère s’il fallait partir à Londres. « Ne marchera pas », « trop cher », « traître », « bravo »… Le tweet n’existait pas du temps de de Gaulle, seulement la radio. Il faut gazouiller avec son temps.