Durant ce mois d’août 2014, je vais suggérer mes propres réponses aux 3 sujets proposés aux élèves du baccalauréat économique cette année. Une façon de montrer à quel point ces sujets théoriques ont des implications bien réelles, et bien actuelles…
Il faut toujours se méfier du singulier : le travail est multiple, donc sa flexibilité l’est aussi, et le chômage tout autant. En fait, mieux vaut se demander comment « les flexibilités », selon leurs sources et leur importance, peuvent réduire « les chômages ».
Bien sûr, il faut commencer par le singulier : « la flexibilité », « le chômage ». Pour comprendre, nous devons simplifier, mais en faisant attention aux effets pervers de cette démarche. Attention au risque de ne pas voir ce qui se passe en permanence autour de nous. La permanence, ce sont les micro-changements qui impliquent des adaptations multiples. C’est une flexibilité de tous et de tous les instants, parce que tout change tout le temps. Il faut donc, pour qu’au moins l’emploi se maintienne, que tous ces changements soient possibles, gérés grâce à des personnels et des structures qui pourront et sauront y répondre, quasiment en temps réel. Pas facile tous les jours, mais ceci se produit tous les jours – sans qu’on le voie ni donc le mesure ! La flexibilité concerne d’abord tout le monde tout le temps, à taux de chômage égal.
Ensuite, « le taux de chômage » qui se mesure est un solde. Un solde entre des milliers d’offres et de demandes d’emploi satisfaites. En permanence, en effet, les salariés bougent, les contrats de travail se nouent et se dénouent. C’est là une flexibilité fondamentale que gère le marché du travail. Plus les contrats sont simples et/ou diversifiés, plus les offres sont aisément diffusées, meilleure est la situation économique, mieux les choses se passent. Plus et mieux salariés et employeurs sont capables de s’adapter en termes de compétences, localisation, conditions de rémunération, plus aisément sera trouvé un niveau plus élevé d’emploi. Plus et mieux les salariés peuvent alors passer d’une activité où le taux de chômage est élevé à une autre où il est faible, s’ils le peuvent sans problème ou bien acceptent des changements d’activité (par exemple de travailler dans le BTP ou le tourisme), avec formations à la clef, plus élevés seront l’emploi et la croissance. Il s’agit ici de flexibilités d’activités, souvent aussi de localisation. Leurs coûts doivent être réduits par des aides et des formations adaptées, mais il est clair aussi que la pression du chômage, avec des indemnités décroissantes, est un puissant incitatif. A côté de la « micro-flexibilité » permanente qui se passe souvent de manière automatique, nous entrons ici dans des formes où la flexibilité est plus nécessaire et parfois plus contrainte, simplement parce que l’économie, avec ses goûts et phénomènes concurrentiels, est en permanent changement. A ce niveau, la flexibilité doit devenir de plus en plus diverse : flexibilité du salarié et de l’employeur, flexibilité des contrats, flexibilité des interventions du pays et du territoire (aides), flexibilité des contrats, en liaison avec formations et débats. Faute de quoi, le chômage monte.
Les choses se compliquent pour répondre à des sauts d’activité qui peuvent venir d’un choc climatique (orage, crue…), d’une épidémie, d’une grève, d’un phénomène saisonnier, d’une rumeur, d’un désastre naturel, d’une dévaluation… Alors il faut attendre un certain « retour à la normale », réduire l’activité et accepter souvent un temps partiel, avec récupération. Sans flexibilité de l’emploi, les salaires sont des coûts fixes par rapport à des recettes essentiellement variables (et qui plongent). Les résultats d’une entreprise qui ne s’adapte pas peuvent la condamner, sauf à ce qu’elle flexibilise ses coûts salariaux. C’est ici qu’on va trouver les chômages saisonniers, les intermittents du spectacle, des systèmes de récupération multiples face aux aléas de l’activité, avec parfois des assurances (assurance récolte, assurance catastrophe…) qui permettent de réduire les coûts de divers chocs. Dans ces cas, la(les) flexibilité(s) est(sont) obligatoire(s), mais avec des négociations avec les clients et les partenaires sociaux d’abord, la puissance publique, les donneurs d’ordre, les banques et assurances ensuite. On comprend que la source majeure de la flexibilité sera celle – négociée – qui naîtra entre partenaires sociaux, en liaison avec la solidarité locale ou nationale si le choc est important. Le chômage vient largement des conditions de débat dans l’entreprise, selon qu’elles sont bonnes, ou non – ceci dépendant des partenaires sociaux.
Le test de flexibilité est plus sévère face à un choc technologique. Une technologie supplante l’autre, Nokia s’efface devant Apple, le mail dépasse le courrier, Internet fait passer les commandes à distance, une activité est désintermédiée par une autre (banque, assurance, drive in…). Alors il faut changer et la flexibilité est autrement plus sollicitée quand il s’agit de changer d’activité, de rythme, de techniques. Ceci implique des formations adaptées, parfois (souvent) de nouvelles conditions de travail, parfois aussi de rémunération. Le chômage, au moins transitoirement, monte. Si le choc est important, cette flexibilité a ses limites. Elle implique des efforts et des moyens importants pour absorber les révolutions technologiques en cours et réduire la crise de l’emploi.
Il ne faudrait pas conclure cette liste de chocs plus ou moins sévères, avec les flexibilités qu’ils impliquent, sans oublier l’allongement de la vie active. Travailler jusqu’à 67 ans implique une autre façon de travailler, de se préparer et se former dans la durée, avec des phases diverses de travail, des changements plus nombreux et importants qu’avant. La flexibilité est flexible et le travail des seniors est un vrai problème, à aborder très tôt dans l’entreprise.
Au total, les sources du choc qui commandent la flexibilité sont multiples. L’adaptation par la flexibilité du travail est décisive pour éviter le chômage, voire la fermeture de l’entreprise si elle est trop fragile et/ou le choc trop fort. Mais la ou les flexibilités sont conditionnelles et ne peuvent pas tout. En amont, la culture de l’entreprise et sa cohésion, celle de la région, du pays, sont décisives et à faire croître. La flexibilité est à la fois individuelle (goût du risque, capacités..) et collective (ambiance entreprenante, formation, leadership…). Elle s’inscrit dans la durée, la formation, la préparation, le débat social. Une économie a le chômage de son manque de flexibilité, c’est-à-dire d’impréparation technique, économique et surtout sociale.