Les premières propositions d’augmentations du SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) nous arrivent ! C’est la Présidentielle. Ce seront 150 euros en plus pour Anne Hidalgo (PS) ou 1800 euros en tout pour Fabien Roussel (PC), à partir des 1589 euros bruts actuels par mois, pour 35 heures par semaine. Nous irions donc à 1739 ou à 1800 euros, avec ces « promesses » à tenir, en fait à payer, par les patrons. Ce sera à eux de s’arranger !
Mais quel chiffre retenir : 2256, 1634, 1589, 1258 euros ?
2256 ? On n’en parle jamais et pourtant ce devrait être le SMIC brut total chargé ! En effet, ce serait le SMIC total que devrait payer l’employeur d’un salarié payé au SMIC, s’il payait la moyenne des charges patronales : 42% du salaire brut, soit 667 euros ! Mais il n’en est pas question : à ce prix, aucun patron n’embaucherait un salarié dont les compétences sont, encore, moyennes.
1634 ? C’est le chiffre dont on parle peu. Pourquoi ? Parce qu’il inclut 45 euros de charges patronales seulement et pas les 667 du taux moyen théorique : un « gros cadeau » donc ! Ce SMIC brut ainsi « chargé » bénéficie donc d’une réduction très considérable sur différentes cotisations, notamment sécurité sociale d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et assurance vieillesse. Sans qu’on le dise, le SMIC est donc très subventionné en amont, autrement dit une part très importante de ses charges sociales est réglée par « les autres » : entreprises, salariés, État.
1589 ? C’est le chiffre des politiques, qui oublient la subvention de charges dont bénéficie le SMIC.
1258 ? C’est le chiffre médiatique : « Pourriez-vous vivre avec 1258 euros par mois ? » demandent les médias. En effet, à ce SMIC de 1589 euros bruts, il faut enlever 331 euros de charges sociales (maladie, vieillesse…), pour arriver au salaire net de 1258 euros effectivement versé. Réponse : « non », d’où les propositions « politiques » d’augmentations. Heureusement, aucun journaliste ne poursuit : « mais alors pouvez-vous vivre avec 1400 euros nets par mois ? ». Car ce serait démontrer que la hausse du salaire ne répond pas au problème, qui est triple : le SMIC est un coût pour l’employeur, important pour son entreprise, un revenu pour l’employé, déterminant pour son existence et un transfert qui pèse sur « les autres », sans qu’ils le sachent, puisque ses propres charges patronales ont été rabotées, donc « réparties ».
Mais, c’est plus cher pour l’entreprise ! En effet, ce coût s’ajoute aux loyers, investissements, assurances… plus la marge, pour investir, innover, avancer. Ce total est facturé… au client, qui peut ne pas pouvoir ou vouloir payer et… importer. Le SMIC-coût renvoie donc à la commercialisation d’un temps passé, où s’exercent l’expertise, le talent et l’utilité du travail effectué par l’employé payé au SMIC, avec d’autres salariés, dans une entreprise et un secteur donnés. Ce SMIC-coût de l’employé traduit sa productivité : les euros qu’il coûte par rapport à ceux qu’il rapporte. L’augmenter n’est possible que si le produit peut être vendu plus cher et à effectif constant, ce dont les politiques ne parlent pas.
Pour les politiques : seul le SMIC-revenu importe ! Ceci fait écho à ce que ressent le salarié devant le décrochage, au cours des années 2000, entre son pouvoir d’achat mesuré après inflation et celui qu’il vit. Sous l’effet des médias ? Non, loin s’en faut. L’explication de cet écart croissant vient de la montée des « dépenses pré-engagées » (loyer ou remboursement d’emprunt, assurances, téléphone, Internet…), à côté des autres, dites « discrétionnaires » (alimentation, transport, habillement, reste à charge de la santé, culture et loisir…). Pour les ménages « modestes hors pauvres », ces dépenses pré-engagées passent de 31 à 37% de leur dépense totale entre 2001 et 2017 !
En fait, l’opposition entre SMIC-coût et SMIC-revenu dévoile ce labyrinthe politico-syndical salarial français, qui passe à côté de l’essentiel. Le SMIC-coût bénéficie d’une réduction des charges patronales qui va jusqu’à 1,6 SMIC, payée par « les autres » : motus ! Les salariés perçoivent, dans les moyennes et surtout grandes entreprises, des compléments divers (titres restaurants, remboursements de frais de transport, mutuelle, primes de vacances, 13ème mois, formation, santé, Prime Macron) : motus ! Et tous doivent se loger et se rendre à leur travail : motus !!!
Alors : augmenter ou bien construire plus, moins cher et former mieux ?