America is back : ce qui se passe à Kaboul montre le drame des slogans trop courts pour être puissants. C’est ce qui est arrivé au fameux America is back du tout nouveau Président Biden, quand il proclamait le retour de l’étendard américain pour défendre partout les valeurs occidentales, au G7 et à l’OTAN. C’était, en effet, comme cela que son message avait été complété dans le subconscient des auditeurs : America is back, as before Trump ! Cela fait donc très longtemps que cet « ajout » a été fait : le 11 juin de cette année ! « A cette époque », les Alliés soupiraient d’aise, notamment les Allemands, après quatre ans de Trump. Ils venaient de trouver quelqu’un qui s’engageait à les protéger des Russes. Tous se réjouissaient de le voir rejoindre l’Accord de Paris sur le climat et beaucoup de soutenir une hausse d’impôts contre ces multinationales si amoureuses de havres fiscaux.
Certes, cet America is back avait un prix. Joe Biden demandait aux alliés de payer plus pour leur protection, mais c’était normal et gentiment dit. Certes, Joe Biden faisait en même temps part aux alliés de ses inquiétudes sur la Chine, dans ce cadre d’un OTAN qu’il éloignait quand même de l’Atlantique Nord. Mais chacun comprenait ses soucis : les Russes se rapprochant de la Chine, pourquoi ne pas étirer l’OTAN vers l’Asie ?
Puis America is back est devenu moins sûr, quand on a vu Joe Biden souffrir au Congrès sur ses programmes de reprise. Il ne parvenait pas à augmenter un peu les taux d’impôts des GAFAM et moins encore à mener son programme social, de plus de trois trillions de dollars il est vrai. Il arrivait à peine à lancer son plan de modernisation des infrastructures, pour un trillion, alors qu’elles en avaient bien besoin. Et investir pour la cybersécurité ne passait alors pas ! Revoilà les Républicains soucieux d’endiguer le déficit budgétaire, prévu à plus de 4,5% du PIB en 2022, après 15 puis 13% en 2020 et 2021 pour cause de pandémie !
Aujourd’hui, America is back peut connaître un terrible chantage avec ce qui se passe en Afghanistan. Tous les Américains et leurs aides ne sont pas encore embarqués, tandis que les dollars, eux, ne viennent plus à la Banque centrale afghane, stoppés à New York. Dollars américains contre Américains ? Le Président de la Banque centrale afghane, qui a quitté le pays, a en effet annoncé que la Fed de New York a cessé d’alimenter le système bancaire afghan le 13 août, sachant que les réserves de la Banque centrale sont à New York (9 milliards de dollars) et que le FMI cesse ses prêts. On sait ce que ceci implique : des effondrements de la monnaie, de l’économie, des commerces et des entreprises, que l’on suppose fragiles. Les Talibans, qui savent se faire payer, vont-ils monnayer des sauf-conduits ? Tout est possible, quand les lacunes de l’« intelligence » américaine, ces informations et analyses secrètes, apparaissent sous un jour cruel.
America is back contre la Chine ? Ce ne sera pas facile à vendre, après les “départs” de Kaboul », de Saigon jadis et les éloignements en cours de Bagdad. Quand on entend défendre des valeurs mondiales, il faut en avoir les moyens. L’hégémonie américaine venait surtout de la faillite de l’URSS (qu’elle avait aidée, bien sûr), mais elle recule devant la puissance chinoise. Celle-ci avance pas à pas et occupe les terrains libres, sans se laisser impressionner par les risques et les critiques. Elle peuple le Tibet de Chinois, profite du COVID-19 pour contrôler Hong Kong, « gère » les musulmans turcophones ouighours sans problème avec la Turquie ni, pour l’heure, avec les Talibans. Elle veut utiliser son épargne pour sa demande interne et ses investissements, surtout high tech, et promeut son idéologie de stabilité, avec les contrôles qui vont avec.
America is back… to America : le message de la Banque centrale américaine ? Quand son Président annonce qu’il va moins acheter de bons du trésor car pour lui la croissance est repartie, on peut y voir un repli. Quand le Président Biden explique le retrait d’Afghanistan par son coût (de 100 à 300 millions de dollars par jour) pour « investir » ailleurs, on peut s’inquiéter. Que va-t-il se passer si « c’est trop cher » ou « pas rentable » ici ou là ?
Et Matsu ? Si, plein de « touristes chinois » viennent visiter cet ilot dépendant de Taïwan, à 9 km de la Chine ? En 1960, au débat Kennedy/ Nixon pour la Présidentielle, le premier, qui allait gagner, ne voulait pas le défendre, le deuxième oui. Et aujourd’hui ?