Allons-nous rembourser nos dettes ?

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 Allons-nous rembourser nos dettes ?

Nous y pensons toujours (à droite) et n’en parlons jamais (à gauche). Pourtant, la dette publique française dépasse 2400 milliards d’euros, à rembourser sur plus de 8 ans, 1,1 fois le PIB… pour continuer à emprunter. On la paye à 3% environ, sachant que notre dernier emprunt nous a coûté 3,2% fin octobre, pour une dizaine de milliards. Ce n’est donc plus aussi facile qu’avant.

Mais d’abord, pourquoi nous endettons-nous autant ? Pour deux raisons. La première est évidente : nous dépensons plus que nous gagnons, depuis des décennies. La deuxième se veut intelligente : c’est un bon calcul, parce que ceux qui nous prêtent n’oseront pas nous mettre en défaut — ils y perdraient — et parce que la dette nous coûte moins que les investissements nous rapporteraient — nous y gagnons. Bref nous sommes frivoles, cyniques et rationnels.

Et pourquoi est-ce moins facile ? Parce que la crise du Covid s’éloigne, cette grande peur mondiale de la déflation qui fit emprunter la France à 0% sur 10 ans, jusqu’à début 2023. Parce que l’inflation s’est depuis réveillée, suite à ces injections massives (et gratuites) de liquidités qui entendaient éviter le plongeon dans l’inconnu, avec des hausses de salaires dans les services. Parce que les tensions mondiales n’ont cessé de monter, entre États-Unis et Chine, entre Russie et Ukraine et maintenant Israël et Gaza.

Et aussi : pourquoi est-ce moins rationnel ? Parce que le risque mondial croît : risque inflationniste, risque militaire, risque de surendettement de nombreux pays… Les taux d’intérêt montaient partout, avec l’espoir de rendements qui leur seraient supérieurs dans les secteurs porteurs, autrement dit de haute technologie. Ils traduisaient plus l’inquiétude que l’espoir. Pour preuve, NextGenerationEU, ce plan de 720 milliards d’euros décidé en juillet 2020 par les 27 pays membres de l’Union pour sortir du Covid et aller plus vite vers une transition verte, numérique et résiliente risque de n’avoir pas de successeur. Le vert et le numérique font moins recette, surtout subventionner (Allemagne) un pays (Italie) pour l’aider à remonter la pente renvoie à un esprit d’entraide révolu.

Et pourtant, il le faudrait ! Le ralentissement est perceptible en zone euro : -0,1% de croissance au troisième trimestre 2023, comme en Allemagne et en France. La Banque centrale européenne arrête donc ses programmes de hausse de taux et prépare des baisses, attendant le Canada. Le taux long nominal français en vient à diminuer à 2,8%, et passe ainsi à -0,7% en termes réels, ce qui montre l’attrait qui demeure pour la dette française, achetée toujours à taux négatif.

Une question se pose alors : cet attrait va-t-il durer ? Les non-résidents détiennent 52% de la dette française : vont-ils rester ? Les fonds allemands vont-ils poursuivre leurs achats extérieurs, quand leur pays est en récession ? Les fonds hollandais vont-ils bouder la France, au vu de leurs dernières élections eurosceptiques ? Une inquiétude va-t-elle s’étendre si le rating de la France est revu à la baisse, par Fitch ou Moody’s dans six mois ?

On s’inquiètera alors de l’incapacité du gouvernement français à faire baisser la dépense publique dans un pays où se répandent les tensions sociales, depuis les « quartiers sensibles » jusqu’aux bourgs isolés. Le Parlement n’aide pas, qui crie et refuse la réalité des chiffres avec l’obligation d’« efforts » à faire en matière d’économies de dépenses publiques et de durée du travail qu’elle implique.

Pourtant, ce qui arrive ici n’arrive pas qu’ici : les instabilités climatiques et sociales sont partout. On « découvre » que le miracle allemand tient à la protection américano-otanienne, disparue, au gaz russe, coupé, aux exportations vers la Chine, en chute. La garantie implicite de la dette européenne, dont la nôtre, qu’offrait l’Allemagne a donc baissé, sans qu’on en tire les conséquences. Ajoutons les problèmes liés à l’immigration, en Italie surtout, à la crise de la natalité, donc au vieillissement, et partout aux menaces sur l’emploi, avec ChatGPT.

Pour en sortir, on parlera de soutien à la productivité, à la formation technologique et scientifique. Mais ceci prendra beaucoup de temps et d’argent, quand les carrières « en tension » et les maths sont délaissés. Et si l’on parle de sobriété, ceci n’aura pas le même effet s’il s’agit d’optimiser la production ou de moins consommer. Pas de miracle : pour rembourser, il faudra travailler et plus et mieux ! What else?