Les primaires ont tué le secondaire. Moins de chômage : c’est LE but de la présidentielle qui s’annonce. 6,2 millions de chômeurs en France, dont 2,6 depuis plus d’un an, un taux de chômage de 9,8% de la population active contre 4,9% au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, 4,1% en Allemagne et 3,2% au Japon : il n’en faut pas plus pour expliquer les sondages et votes récents, tout comme la décision de François Hollande de ne pas se représenter. Deux fois plus de chômage, moitié moins de croissance : ce n’est plus supportable. D’où la question lancinante : est-ce bien vrai que « contre le chômage, on a tout essayé » comme disait François Mitterrand en 1993 ?
Evidemment non. Ce qui a été fait a toujours été graduel, trop, combinant un peu de baisse de charges dans le privé, une hausse des emplois dans la fonction publique territoriale (1 million de plus ces dernières années) et 320 000 personnes en formation (+ 16,7% sur un an). Pire, les raisons du chômage français ont été éparpillées sans prendre en compte l’essentiel : un coût du travail trop important par rapport aux concurrents, des complications et des charges supérieures, pour des produits de moyenne gamme. Pire encore, la crise que nous vivons vient d’un couplage plus rapide que jamais dans l’histoire entre révolution des technologies et globalisation. C’est Ricardo + Schumpeter = Apple + Chine.
Dans ce contexte, tous les pays qui sont en train de s’en sortir ont mené une triple politique : monétaire (pour baisser les taux et renforcer leurs banques), salariale et sociale (pour faciliter les adaptations) et technologique (pour attirer et développer les startups). Il ne s’agit pas de Fleurange, Fessenheim ou Belfort, pas de garder mais d’anticiper. Dans un monde où l’économie de l’intelligence fera la différence, la dernière enquête internationale Timss (Trends in International Mathematics and Science Study) montre une faiblesse des élèves de CM1 et une baisse des terminales scientifiques. Dans l’un et l’autre cas, la France est presque en queue de peloton ! Voilà le problème. Alors, que faire ?
La déclaration de départ de François Hollande dit (presque) tout : elle commence par une liste de mesures économiques et sociales, avertit contre le risque protectionniste (Montebourg ?) et dit qu’il n’a pas eu assez de temps pour réduire le chômage. Mais pourquoi ? Parce qu’il a perdu un temps précieux en faisant le contraire de ce qu’il fallait. Pour contrer Mélenchon et plaire à Piketty, il a augmenté d’abord les impôts, avec la mesure phare de taxer à 75% les revenus dépassant 1 million d’euros. Pire, la liste de sa déclaration qui commence (par hasard) après le « virage libéral », oublie l’essentiel : la stratégie. C’est elle seule qui donne un sens aux mesures pour sortir de crise et évite de faire un catalogue. Seule la stratégie permet d’ordonner et de gagner du temps, à condition que ce soit la bonne !
Pour la suite, nous allons voir s’opposer deux stratégies extrêmes : (1) à l’extrême droite – protectionnisme plus étatisme (ce qui est nouveau), (2) à l’extrême gauche – protectionnisme plus taxation (ce qui ne l’est pas). Il n’est pas sûr que ceci passe, et moins encore fonctionne. Le problème est la productivité et la compétitivité à soutenir, surtout pas plus de taxes et d’affaiblissement de la zone euro.
Stratégie (3) avec François Fillon, où le danger est de prendre trop de mesures, au risque d’agréger les opposants. La démarche centrale serait d’abaisser les impôts pour décoincer l’investissement et de flexibiliser les rapports de travail, par la discussion au plus près de l’entreprise.
L’interrogation majeure concerne le parti socialiste, qui pourrait proposer deux stratégies : une stratégie « production nationale et PME » avec Montebourg (4) et une stratégie « Hollande + » avec Manuel Valls (5).
Enfin, deux centres sont possibles. Un centre (6) avec François Bayrou, classique et modéré, et un autre, nouveau centre (7), très allant, avec Emmanuel Macron dans une voie libérale, européenne, plus geek et de discussion dans l’entreprise.
Si on ne fait que de l’économie, on aura 3, 5 et 7, sans ordre, car tout dépendra de la capacité d’exécution. Ce qui est sûr, compte tenu du retard français et de cette sortie de crise qui passe tant par le capital humain que par la fiscalité, par la modernité que par l’Europe, c’est qu’il ne faut ni changer en chemin, ni mégoter, ni hésiter. On ne sait jamais avec les Français. Or c’est la dernière chance.