Ce 27 août, elle annonce vouloir 3% d’inflation et 0,5% de chômage
Qu’est-il donc arrivé ce 27 août à Jerome Powell, le Président de la Banque Centrale Américaine (la Fed), lui qui est pourtant considéré comme un Républicain modéré ? Il change brutalement d’objectifs dans son pilotage des taux d’intérêt, des achats de bons du trésor et dans ses messages aux ménages américains, aux patrons, à la bourse et au monde !
- « Avant » le 27 août, il s’agissait pour lui d’obtenir le plus bas taux de chômage possible, sans donner de chiffre, compatible avec un taux d’inflation, chiffré à 2%, à moyen terme, disons deux ans.
- «Après » le 27 août, il s’agit pour lui d’obtenir 2% d’inflation en moyenne à moyen terme, disons toujours deux ans, mais sans trop dire comment calculer cette moyenne, « précisant » que ce sera flexible ! Alors : 3% ? Et son objectif de chômage change, lui aussi. Il était le taux de chômage le plus bas possible compatible avec une inflation à 2%. Il devient la recherche de « l’emploi maximum, sur une base large et inclusive ». Il s’agira désormais de veiller à ce qui se passe dans « les nombreuses communautés où les revenus sont bas et modérés ». 3,5% ne suffit plus. Alors : 0,5% ?
Jerome Powell frappe fort, lors de ce colloque annuel des banquiers centraux, à la conférence (virtuelle) de Jackson Hole, où les propos sont en général mesurés. Comme s’il voulait se débarrasser d’un fardeau. Sans le dire directement, il revoit l’équilibre d’objectifs qui animait la Fed, dans ses taux et plus encore dans ses mots, pour piloter les esprits et les marchés.
Donc les réglages d’avant le 27 août et, bien sûr, d’avant le COVID-19 n’allaient pas ?
Or, ce dosage inflation-chômage ou salaire-profit, avait fonctionné des années durant, revu seulement par petites touches, dans une économie américaine assez fermée (en fait) aux échanges internationaux, plutôt industrielle (au début), animée par une bourse très réactive, autrement dit où le licenciement était aisé pour faire remonter les marges, en cas de ralentissement.
En ce début d’année, Jerome Powell :
- pouvait être très satisfait : il avait un taux de chômage de 3,5%, le plus bas depuis 50 ans ! La moitié de son contrat était très bien remplie,
- mais aussi très ennuyé : le taux d’inflation était de 1,8% seulement, en plein emploi ! Du plein emploi sans inflation : il y avait un problème quelque part, des employés très peu payés dans l’hôtellerie, la restauration, des services de base, avec des salariés noirs et hispaniques sans doute.
Continuer avec ces réglages qui ne marchaient plus ?
Problème, il n’avait alors qu’une chose à faire : poursuivre sa politique de taux bas.
- Mais continuer ces taux très bas, pour faire des crédits moins chers aux ménages, aux PME et aux commerces, c’est peut-être pousser au surendettement ? C’est peut-être faire survivre des entreprises pas ou peu rentables, des zombies qui pompent du crédit, ne sont pas productives et qui ne pourront pas rembourser, plus tard.
- Mais continuer à acheter des bons du trésor sans limite, pour faire baisser les taux d’intérêt à long terme, c’est trop soutenir l’immobilier et la bourse, faire naître des bulles ?
- Mais continuer à pousser cette croissance qui faiblit c’est bien beau et que faire en cas de ralentissement ou, pire, de récession dans un an ou deux ? Des taux négatifs, comme cette horreur en zone euro pour faire encore plus baisser les taux bancaires et dissuader d’épargner ; financer sans compter le déficit américain, au risque d’inquiéter sur le dollar ?
Le COVID-19 va-t-il tout casser ?
- Insatiable Powell, qui souhaite moins de chômage que le minimum jamais obtenu et plus d’inflation que celle qu’il n’a jamais eue ? Donc plus de crédit pour soutenir le crédit aux PME et aux TPE, pour faire repartir les emplois de services, hôtels, restaurants, tourisme, petits jobs peu payés, dans des entreprises fragiles et endettées ? Donc soutenir le « petit » capitalisme américain à côté du « grand », celui de la bourse et des emprunts obligataires ?
- Trotskyste ce Powell, qui met l’emploi avant l’inflation ? Les marchés vont s’inquiéter, avec ces bons du trésor qui rapportent 0,7% si l’inflation passe à 3% : les pertes seront énormes ! Les politiques vont s’inquiéter, s’ils ne peuvent plus dépenser sans limite, en se finançant pour rien. Et les patrons regretter d’emprunter plus cher, au détriment de leurs marges.
- Oui : trotskyste, ce Powell !