1,4% d’inflation seulement : la Banque Centrale Européenne doit-elle s’obstiner ?

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Non, elle doit cesser d’acheter des bons du trésor vers la fin 2018, même si les 2% d’inflation ne sont pas encore là. La Banque Centrale Européenne a fait tout ce qu’elle pouvait faire. La zone euro est désormais en expansion. Mais elle est plus divisée que jamais pour réagir, face à la concurrence mondiale et, surtout, à la révolution technologique en cours.

 1,4% d’inflation seulement : la Banque Centrale Européenne doit-elle s’obstiner ?

1,4% d’inflation : le chiffre vient de sortir pour décembre, après 1,5% en novembre. Nous étions prévenus de cette modération, comme nous savons que la hausse du prix du pétrole va faire monter les prix, sauf que la hausse de l’euro (à 1,22 $) peut peser sur la croissance et les prix. Certes, ce résultat prouve que nous sommes sortis du risque déflationniste de 2014-2016. Mais une sorte de plafond de verre semble empêcher d’aller vers les 2% recherchés, « en moyenne dans la zone et de manière durable », pour reprendre les mots de Mario Draghi. Le pire n’est plus là, mais l’objectif semble s’éloigner !

Cet inatteignable 2% d’inflation peut s’expliquer par le poids du chômage, à 8,7% dans la zone, même s’il baisse lentement. Ainsi, l’Italie a 0,9% d’inflation pour 11% de taux de chômage, l’Espagne 1,1% d’inflation avec un taux de chômage de 16,4% et la France 1,2% d’inflation pour 9,7% de chômage. De grandes économies de la zone euro « naviguent » ainsi, avec 1% d’inflation et 10% de taux de chômage, à 1,5% de croissance (grâce à la reprise en France). Faut-il attendre que leur croissance double, pour que le taux de chômage baisse et que l’inflation reparte ?

« Soyons sérieux, dit l’Allemagne, regardez-moi : j’ai 2,8% de croissance, un taux de chômage de 3,6% et 1,7% d’inflation, en plein emploi ! ». « Mais c’est parce que vous épargnez trop. Vous êtes en excédent budgétaire (1,2% du PIB) et extérieur (8,3% du PIB) excessifs ! », disent les autres. « Augmentez les salaires de l’industrie, IG Metall veut 6%, et importez plus des voisins ! ». « On pense au futur », répond l’Allemagne.

Mario Draghi est embêté : aucun pays n’a 2% d’inflation et, entre 1 et 1,7% d’inflation, les taux de chômage « moyens » vont de 11 à 3,6% ! La baisse du chômage ne fait plus monter les salaires et les prix : la Chine et les robots sont à l’œuvre ! La loi implicite de la BCE : « plus de crédit moins cher fait plus d’investissement, donc plus de croissance et plus d’emploi, et ce plus d’emploi fait plus de salaire et plus d’inflation » ne jouerait plus ? Alors : continuer ? Les dernières enquêtes auprès des PME en zone euro montrent que leur rentabilité monte et que les banques sont plus désireuses de leur faire crédit, et les marchés plus accueillants. Alors : faire encore pression à la baisse des taux des crédits bancaires quand les taux longs à dix ans se mettent à remonter ? Alors : vouloir que les crédits internes accélèrent vers 3% l’an, quand les actifs les plus liquides augmentent de plus de 9% ? Alors : alimenter la trappe à liquidité des inquiets d’un côté, et pousser, d’un autre, des ménages ou des entreprises fragiles ou aventureux au surendettement ?

Si le quantitative easing (l’achat de bons du trésor par la banque centrale) ne donne plus les résultats attendus, faut-il maintenir les doses ou les arrêter, et demander à chaque malade de se prendre en main ? En effet, répéter qu’il faut soutenir la demande interne par la hausse des salaires, message destiné à l’Allemagne, peut être repris ailleurs, par exemple en France ! On nous dira ici (comme toujours) que c’est l’insuffisance de la demande qui est en cause, donc qu’il faut augmenter les salaires, en commençant par un « coup de pouce au SMIC » – mais nous sommes en plein déficit extérieur !

La zone euro se divise entre pays en croissance (en plein ou quasi-plein emploi), comme l’Allemagne bien sûr, mais aussi Pays-Bas, Belgique ou Irlande et les autres, avec des taux de chômage autour de 10% (jusqu’à 20% en Grèce !). Mais, continuer une politique de taux bas pour faire baisser le taux de chômage des grands pays : France (9,2%), Italie (11%) ou Espagne (16,7%) ne réduira pas les freins spécifiques à chacun. C’est renforcer le tissu des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) pour la France, résoudre le problème des crédits non performants en Italie (13% du total !) et guérir les séquelles de la bulle immobilière en Espagne qu’il faut. Mario Draghi a évité le pire et fait repartir le groupe de malades. Maintenant, c’est à chacun de se guérir.