Étrange question…
Puisque Donald Trump fait de l’Europe sa pire ennemie. Elle le pillerait en achetant trop peu de biens : il oublie cependant les services, les profits des GAFAM et l’épargne que, chaque année, elle investit aux États-Unis. Ce qui l’énerve surtout avec l’Europe, c’est qu’elle a une arme qui empêche son art du deal — les « arrangements » individualisés.
Les droits de douane sont en effet une compétence exclusive de l’Union, ce qui ne lui permet pas de diviser pour régner. Les auteurs du Traité ont prévu ce coup. Les achats d’armes ne pourront, toujours selon Trump, compenser ce « vol », ni même un versement supérieur à l’Otan ! L’Europe doit donc se préparer à la hausse des prix des produits américains importés, plus à celle des droits de douane sur ce qu’elle y exporte, au risque d’y vendre moins. A elle d’avoir moins de croissance et plus d’inflation ! Bref Trump est pour une Europe qui lui achète plus cher et s’arme plus, avec ses matériels, mais ceci ne suffira même pas.
Étrange question !
Puisque Poutine est en guerre avec l’Ukraine depuis trois ans et veut y occuper davantage de terrain. Étrange question, puisqu’il refuse un cessez-le-feu, plus encore qu’un processus de paix se mette en place, qu’il ne veut pas que l’Ukraine ait d’armée significative, rejoigne l’Union européenne et/ou l’Otan, ni ait de troupes européennes sur son sol !
Nous allons vers un nouveau rideau de fer, sauf si un nouveau « paquet de sanctions » européen et américain agit. Sauf si des mesures efficaces contre cette « flotte fantôme » qui vend, pas cher, le pétrole russe à la Chine et à l’Inde sont prises. N’oublions pas que nous ne connaissons pas la réalité de la situation du pays, même si on peut s’interroger sur une économie qui reconnait une inflation à 10,3% pour un taux de la banque centrale à 21%, avec un taux de chômage de 2,3%. Pour comprendre, en acceptant ces chiffres, ceci suppose un plein emploi dans une économie de guerre qui ferait assez peu monter les prix et une politique monétaire consacrée surtout au rouble ! De fait, il retrouve peu à peu son niveau de 2000, 70 à l’époque contre 80 maintenant, après 130 lors du début de l’« opération militaire spéciale », 55 en 2018 et moins « avant », bien sûr. Bref, Poutine veut, au moins, une Europe plus lointaine.
Ce qui rapproche les deux
C’est une conception 1900 de la souveraineté. La Russie veut redevenir un Empire, elle qui s’était engagée à soutenir les frontières de l’Ukraine. Les États-Unis veulent le Canada et le Groenland… reprenant leur très ancienne ambition, qui contredit la Charte des Nations Unies. D’où l’interrogation : vont-ils, eux aussi, redevenir un Empire, ce qu’ils ont toujours repoussé ?
Cette même question se pose pour l’Europe : les échanges extérieurs y sont une « souveraineté partagée », qu’il s’agisse de droits de douane, d’accords commerciaux ou, plus encore, de monnaie. Restent des frontières communes, non fixées, donc pas de vraie limite. Restent une puissance et une industrie militaires, faibles et en plus partagées entre pays, donc à renforcer et autonomiser davantage par rapport aux États-Unis, maître des codes des avions. Elles ont si longtemps vécu sous le parapluie pas si cher USA-Otan, c’est fini.
Avec la guerre en Ukraine, un appui à l’Europe ?
C’est une de ces ruses, dont l’histoire est coutumière. La guerre en Ukraine souligne que même la France n’est pas souveraine en cas d’attaques qui ne mettraient pas en cause ses « intérêts vitaux » mais s’en prendraient à des européens voisins, sachant que des mouvements souverainistes s’étendent partout. Les doctrines de dissuasion, anglaise ou française, ne peuvent répondre aux drones. Une force armée sous l’autorité de l’Europe est impossible avec les Traités. Tous les pays devront dépenser plus, coordonner leurs efforts et consacrer 1% de leur PIB à des achats européens. Des pays membres, volontaires, pourront affecter aussi une part de leurs forces à protéger l’Ukraine sur son sol, si l’Europe veut durer. Le feront-ils ?
Un euro plus fort, la solution ?
Un euro plus fort, c’est un dollar plus faible, le souhait de Trump pour exporter plus ! Mais les taux américains à long terme vont encore monter. Et voilà que Stephen Miran, un de ses conseillers économiques, propose que la contrepartie de l’appui militaire américain soit l’achat de bons du trésor à taux faible et à 100 ans !