Le 22 septembre 2025, le désormais gouverneur Miran fait sa première conférence au prestigieux Economic Club de New York. Il vient d’être élu par le Congrès américain le 16 septembre par 48 voix contre 47, pour quatre mois, jusqu’au 31 janvier 2026. Remplaçant Adriana Kugler qui souhaite rejoindre son poste à l’université – on peut la comprendre -, il est arrivé juste assez tôt pour voter, le 17 septembre, la première baisse des taux de 25 points de base depuis le 18 décembre 2024. Ceci, sachant que Donald Trump veut également se débarrasser d’une autre gouverneure, Lisa Cook. Limogée par le président, celle-ci votera quand même, sa démission ayant été bloquée par la Cour suprême qui a reporté à janvier prochain l’examen de l’affaire. Ambiance.
La nomination de Stephen Miran au Congrès a été sportive. « Trumpiste », il souhaite garder son poste à la tête du Conseil des conseillers économiques du président en prenant un congé sans solde, ce qui pourrait entraver son indépendance. Il avance, pour défendre sa position, la brièveté de cet intérim et ajoute qu’il démissionnera dans l’éventualité où le président le nomme pour un mandat complet. Dans la présentation technique de sa candidature au Congrès, il dira notamment qu’il n’y a « pas eu d’augmentation détectable du niveau global des prix à la suite de l’instauration de droits de douane », position qui le différencie de la profession et qui correspond à son désir de taux bien plus bas, vers 2 % contre 4,25-4,5 % à l’époque.
L’histoire n’est pas finie : Donald Trump poursuit ses attaques contre Joe Powell. Le président de la Fed, « manifestement incompétent » selon lui , achève son mandat le 31 janvier 2026. Il pourrait se maintenir comme simple membre jusqu’au 31 janvier 2028, mais cela n’est pas vraisemblable. Les observateurs scrutent par ailleurs la fin des mandats des gouverneurs régionaux, sachant que deux membres du Board avaient déjà voté contre le maintien des taux le 30 juillet : Michelle Bowman et Christopher Waller. La Maison Blanche a publié mi-août, pour aider sans doute, une liste de 11 candidats : de quoi éroder la position de Powell.
Revenons à Stephen Miran. Dans sa conférence, il ne se dit pas seulement plus inquiet sur la conjoncture pour vouloir, seul, une baisse des taux de 50 points de base : il présente une autre vision de l’économie et une autre doctrine pour la Fed. Il juge la politique de cette dernière « très restrictive, posant un vrai risque pour son mandat sur l’emploi ». Pour étayer son propos, il note qu’il n’y a pas de moyen parfait pour déterminer une politique monétaire et que la règle de Taylor (qui équipondère inflation et chômage pour déterminer le taux neutre), toujours utile, doit être examinée de près en plein-emploi, ce qui est le cas américain. Il ajoute que la politique monétaire repose sur des données inobservables, comme la croissance potentielle et le taux d’intérêt neutre, qui équilibre épargne et investissement. Des batteries de calculs essaient de les mesurer, mais elles prennent toujours du temps.
Sans le dire, c’est là une critique frontale de la doctrine de la Fed qui décide en fonction des données, ce qui lui fait toujours courir le risque d’être en retard (« behind the curve »). Ce retard est d’autant plus grave quand change la politique économique, comme actuellement, ce qui est l’argument majeur de Stephen Miran. En fermant les frontières, on pourrait dire que Donald Trump freine l’activité, et qu’en montant les tarifs douaniers il fait monter l’inflation, sauf s’il dérégule beaucoup et baisse les impôts en même temps, et si les taux d’intérêt baissent vite et beaucoup. C’est pour cela que Stephen Miran veut deux autres baisses des taux courts (et critique sans le dire la politique « data dependent » de la Fed, non pour être prudente mais fausse, car ne prenant pas assez vite en compte les chocs externes et de politique économique).
Et Stephen Miran continue sur sa lancée : pourquoi s’occuper du climat, de la démographie, de l’allocation du capital et de la sécurité urbaine ? Pourquoi ajouter en permanence : « 2 % d’inflation à long terme » et ne plus dire seulement « atteindre le plein-emploi et la stabilité des prix » ? On peut toujours dire que Miran ouvre la porte de la Fed à Trump, mais c’est oublier l’essentiel de son message : il faut que la politique monétaire tienne compte des choix politiques – baisses de la réglementation, des impôts et de l’immigration, en baissant les taux pour les soutenir, sans attendre. Autrement, c’est l’opposé de ces mesures qui va gagner : inflation et chômage, faisant dérailler le train. Miran, c’est plus que Trump : on devrait l’écouter.
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